Les Inuits du Québec viennent de se donner un leader habitué aux combats rudes contre Québec, un vétéran qui arrive en poste avec un message clair pour le gouvernement : améliorez les services dans le Grand Nord ou laissez les Inuits se gérer eux-mêmes.

« Nous en avons tous assez », a affirmé Charlie Watt en entrevue téléphonique à La Presse, au lendemain de sa victoire. « Ce qui [...] a été fait [aux francophones du Québec] par les Anglais, c'est ce qu'ils tentent de faire aux Inuits dans le nord. Mais ce n'est plus acceptable. »

Avec 53 % des 2063 voix exprimées, Charlie Watt a été élu à la tête de Makivik. Le président de cette organisation est considéré comme le leader de facto des Inuits du Québec.

« Il y a beaucoup de problèmes liés aux lois et aux politiques du gouvernement du Québec qui ne sont pas à notre avantage, comme la Loi sur la protection de la jeunesse, a-t-il continué. Je ne veux plus que les enfants soient déménagés vers le sud. Ça ne nous aide pas, ça n'aide pas les parents. Parfois, les parents ne prennent pas bien soin de leurs jeunes. Mais si vous voulez vraiment réparer ça, les enfants doivent rester dans la communauté. »

Il a également cité la Loi sur les jeunes contrevenants, mal adaptée au nord, selon lui.

M. Watt veut discuter avec le gouvernement pour régler ces problèmes. Mais si des solutions ne sont facilement trouvées, « vaut mieux qu'ils nous laissent tranquilles, et nous allons nous occuper de nous-mêmes ».

UN VÉTÉRAN

M. Watt vient d'être élu à la tête de Makivik, l'organisation de développement économique du Nunavik, battant le président sortant Jobie Tukkiapik.

Makivik gère les fonds concédés aux Inuits par la Convention de la Baie-James et du Nord québécois, signée en 1975 avec le gouvernement de Robert Bourassa. En échange, l'État québécois obtenait le droit de développer des barrages hydroélectriques, entre autres, sur ce territoire.

Charlie Watt était l'un des leaders autochtones dans la lutte qui s'est conclue par la signature de cette convention. Il l'a d'ailleurs signé au nom des Inuits du Québec, avant de devenir le président-fondateur de Makivik. « Je ne suis plus un jeune homme », a-t-il dit en riant. À Québec, « je crois qu'ils savent qui je suis ».

Selon M. Watt, le document qu'il a signé il y a près de 45 ans doit revenir au centre de la relation entre Québec et Kuujjuaq.

« Nous allons revoir la Convention de la Baie-James afin de voir à quel point elle a été violée par le gouvernement, a-t-il fait valoir en entrevue téléphonique. Il n'y a jamais eu aucune volonté de la part du gouvernement de s'asseoir et d'évaluer si ses lois respectent la Convention. C'est un enjeu qu'on va devoir regarder, qu'ils le veuillent ou non. Sinon, il va falloir regarder d'autres recours pour mettre de la pression. »

Le fait que les lois provinciales ne soient pas toujours adaptées au Nunavik, « ça détruit les familles et les communautés », a-t-il dit.

« Ça ne marche pas pour nous, ça ne marche pas pour les communautés, ça ne marche pas pour les familles, a continué Charlie Watt. Ça doit être revisité et modifié ou on doit s'en débarrasser complètement. »

Le Nunavik, qui couvre le tiers du territoire québécois, compte 14 villages répartis sur les côtes de la baie d'Hudson et de la baie d'Ungava. Ces villages ne sont pas reliés entre eux ou au sud par des routes. La région comptait 12 090 habitants en 2011, les données les plus récentes.