Un ancien psychologue, qui était fréquemment invité dans les médias, a été blâmé par son ordre professionnel pour avoir identifié son propre patient, un agent d'infiltration du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), et avoir discuté de lui à la radio.

En 2012, alors qu'il était en entrevue à l'émission Médium large, sur les ondes de Radio-Canada, Martin Courcy s'en était pris à l'agent d'infiltration É.N. en disant le connaître « sur le bout [des] doigts » pour l'avoir « rencontré trois ans de temps ».

M. Courcy avait aussi révélé en ondes que É.N. avait porté des micros, qu'il faisait du trafic de drogue à partir de sa maison et que son contrat avec le SPVM avait été rompu.

Toutes des informations obtenues sous le couvert du secret professionnel, alors que M. Courcy servait de psychologue à l'agent d'infiltration, a tranché le conseil de discipline en imposant une radiation de deux mois. Le fait que É.N. était lui-même très bavard sur son passé ne libérait pas le psychologue de ses obligations, continue le conseil.

M. Courcy dénonce une vendetta de son ordre professionnel et ajoute avoir été ruiné par ces procédures.

É.N. n'est pas nommé dans la décision afin de protéger son identité.

UN DÉBAT SUR DAVIDSON

Les deux hommes, deux habitués des interventions médiatiques sur les affaires policières, avaient des opinions contradictoires sur la valeur des renseignements volés par le policier Ian Davidson - une liste ultraconfidentielle identifiant des sources policières. Davidson s'est finalement suicidé dans un hôtel de Laval le 18 janvier 2012, cerné par la police.

Dans la foulée de cet événement, É.N. a publiquement fait valoir que la liste valait plus de 1 million de dollars. M. Courcy était plus modéré dans son évaluation.

En entrevue à l'émission d'avant-midi de Radio-Canada, peu après le suicide de Davidson, le psychologue « tient à discréditer l'agent-source et faire savoir au public que les déclarations de ce dernier ne tiennent pas la route », relate le conseil de discipline dans une décision qui vient d'être rendue publique.

C'est dans cet objectif qu'il affirme en ondes qu'il connaît très bien É.N., continue la décision.

Or, ces liens ont été développés dans le cadre d'une relation thérapeutique entre les deux hommes, a conclu le conseil, et ils étaient protégés par le secret professionnel.

C'est qu'après la fin de sa mission d'infiltration, au début des années 2000, É.N. « ne décroche pas du rôle qu'il jouait », même s'il est dans un programme de protection des témoins. « Il installe son bateau dans une marina près de ceux de membres d'un autre groupe de motards. Il s'y installe avec sa famille. Il reconnaît des policiers en filature dans les environs ; il se sent au coeur de l'action », décrit la décision.

Le SPVM charge alors Martin Coucy de fournir un soutien psychologique à É.N., en plus de le contrôler. Ce travail constitue du travail de psychologue, a décidé le conseil de discipline en retenant la culpabilité de M. Courcy.

« ÇA M'A MIS DANS LA MISÈRE »

Martin Courcy avait renoncé au titre de psychologue au cours des procédures disciplinaires. La radiation ne prendra donc effet que s'il tente de se réinscrire au tableau de l'Ordre, option qu'il écarte complètement.

« C'est une vendetta. Ça fait des années », dit Martin Courcy, en entrevue téléphonique.

L'ex-psychologue attribue cette hargne alléguée à son style de pratique innovant et à ses critiques à l'endroit de la « médicalisation » de la psychologie.

« Tout ça a commencé en 2012, et ils m'ont complètement ruiné financièrement, a-t-il continué. Du jour au lendemain, j'ai perdu des revenus [annuels] de 80 000 $, ça m'a mis dans la misère, et j'ai été ruiné à la suite de ça. Je trouve que c'est une maudite belle fin de carrière. »