Le gouvernement Trudeau versera plus de 100 millions pour dédommager les militaires et les employés d'autres agences fédérales dont la carrière a été perturbée ou a pris fin en raison de leur orientation sexuelle, a appris La Presse canadienne.

L'argent sera versé dans le cadre du règlement à l'amiable d'une action collective intentée par des employés fédéraux qui ont fait l'objet d'enquêtes, qui ont été sanctionnés ou même congédiés dans le cadre de cette « purge antigaie ».

Une entente de principe est intervenue vendredi, quelques jours seulement avant que le gouvernement ne présente ses excuses pour la discrimination subie pendant des dizaines d'années par les personnes s'identifiant à des minorités sexuelles.

Les détails de l'entente doivent toujours être peaufinés par les différentes parties, et celle-ci devra être approuvée par la Cour fédérale, mais il semble que des milliers de personnes seront admissibles à cette compensation financière.

Le premier ministre Justin Trudeau livrera des excuses dans la Chambre des communes après la période de questions, mardi. Et le gouvernement fédéral devrait aller beaucoup plus loin que d'autres pays qui ont tenté de faire amende honorable auprès de ces minorités.

Une déclaration de regret claire et sans équivoque est nécessaire pour que ces erreurs « n'arrivent plus jamais », a déclaré le député libéral Randy Boissonneault, un conseiller spécial du premier ministre sur l'orientation sexuelle et les questions liées au genre.

Le gouvernement fédéral entend également investir 250 000 $ dans des projets de la communauté LGBTQ qui viseront à combattre l'homophobie et à fournir du soutien aux gens en crise.

Ottawa prévoit aussi souligner en 2019 le 50e anniversaire de la décriminalisation des actes homosexuels dans le Code criminel du Canada.

Par ailleurs, le gouvernement libéral prévoit présenter une loi d'ici la fin de l'année pour effacer tous les dossiers criminels de Canadiens reconnus coupables d'activités sexuelles consensuelles avec un partenaire de même sexe devant les tribunaux militaires ou civils.

Les gens admissibles devront faire une demande en ce sens et des requêtes pourront être déposées au nom de personnes décédées.

Une revendication de longue date

Ces mesures seront sans doute historiques, selon Gary Kinsman, un professeur de sociologie à l'Université Laurentienne qui se spécialise sur ces injustices depuis des années.

« Ça a aussi pris énormément de temps », a fait remarquer celui qui est aussi porte-parole du réseau We Demand an Apology, qui réunit les personnes directement affectées par cette purge, ainsi que des experts et des militants.

« Je suis très attristé du fait que plusieurs personnes qui avaient vraiment besoin d'excuses se sont éteintes. Ça aurait dû arriver il y a des dizaines d'années, selon moi », a-t-il ajouté.

Les politiques discriminatoires qui ont souvent ruiné des carrières et des vies ont été implantées dans les années 1940 et avaient pour but d'examiner la vie personnelle des employés fédéraux pour éviter tout risque à la sécurité.

Il n'y a pourtant aucune preuve selon laquelle des gais et des lesbiennes de la fonction publique ou de l'armée auraient pu donner des renseignements aux agents soviétiques ou à d'autres régimes étrangers, a souligné M. Kinsman.

Au contraire, les victimes de cette purge ont dit que les seuls à les menacer étaient les agents de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) ou ceux de l'armée.

« Il s'agissait vraiment d'éloigner les lesbiennes et les gais hors du tissu social de la nation et de définir notre sexualité comme un risque pour la sécurité », a expliqué le spécialiste.

« Et d'un autre côté, définir l'hétérosexualité comme la sexualité la plus sûre et sécuritaire pour le pays. »

En livrant ses excuses, le gouvernement fédéral devrait aussi s'engager à rendre publics plus de dossiers historiques sur ses politiques et pratiques discriminatoires.