C'est ce jeudi qu'entre en vigueur le nouveau règlement qui permettra de faire bénévolement plusieurs travaux de construction - un allègement bienvenu du côté des PME, mais un laissez-passer pour le travail au noir, aux yeux des syndicats.

Parti d'une histoire de parents qui s'affairaient à repeindre les murs défraîchis d'une école et qui avaient vu la Commission de la construction stopper les travaux, le règlement finalement déposé par Québec a considérablement élargi la portée des travaux qui pourront être faits de façon bénévole.

Les travaux permis incluront la menuiserie de finition, les travaux qui touchent le marbre, le granit, la céramique, les revêtements de sols, de murs, de plafonds, les travaux non structuraux en bois ou en plastique, ceux qui concernent les armoires et les comptoirs, par exemple.

Et le règlement les autorise pour un duplex, un triplex, un quadruplex dont une personne est propriétaire-occupant, une commission scolaire ou un collège, un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux, une entreprise comptant moins de 10 salariés et un organisme sans but lucratif.

La ministre du Travail, Dominique Vien, a soutenu que le nouveau règlement visait à « donner davantage de flexibilité en ce qui concerne l'exécution de ces travaux et à favoriser l'entraide citoyenne ».

Mais la Centrale des syndicats démocratiques (CSD), qui représente quelque 20 000 travailleurs de la construction, se dit persuadée que cet allègement va encourager le travail au noir.

« C'est sûr, sûr, sûr qu'on vient de donner l'aval au travail au noir. On va leur donner l'absolution, en leur disant : "Vous avez juste à dire que vous êtes bénévoles et il n'y en aura pas de problèmes" », a résumé au cours d'une entrevue Luc Vachon, président de la CSD.

M. Vachon prévoit même des problèmes d'équité au moment de soumissionner à des appels d'offres pour des contrats de construction.

« L'entrepreneur qui va soumissionner pour des travaux là-dedans, c'est sûr que s'il veut l'avoir (le contrat), il va tenir compte, en partie, d'un bout qu'il va faire au noir, parce que ça va lui coûter moins cher, et en plus, il va pouvoir les faire travailler des journées comme le samedi, à taux simple. Mais oui, ça va être du bénévolat. Mais l'autre entrepreneur qui va vouloir obtenir le contrat sous un cadre légal de A à Z, c'est bien de valeur, mais il ne pourra pas passer le test. Il va avoir une solution : ou jouer le même jeu ou mourir », a conclu M. Vachon.

186 000 PME bénéficiaires

Du côté de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, la vice-présidente principale, Martine Hébert, est au contraire satisfaite du fait que le règlement desserre l'étau de la réglementation dans l'industrie.

Ce sont 186 000 PME au Québec qui vont bénéficier de cet allègement, a-t-elle relevé au cours d'une entrevue.

Mme Hébert estime qu'« il ne faut pas exagérer » et y voir une porte ouverte au travail au noir.

« Le gouvernement a préservé, dans le règlement, les travaux qui sont plus substantiels et qui relèvent de professionnels dans la construction, par exemple l'électricité ou les travaux plus structurels », objecte-t-elle.

« Je ne vois pas pourquoi ça favoriserait plus le travail au noir que la situation précédente. Ça va permettre aux propriétaires de petites entreprises qui ont besoin, par exemple, de rafraîchir un bout de mur, de ne pas nécessairement avoir affaire à un entrepreneur en construction, quand on sait que c'est très coûteux », a-t-elle conclu.

L'industrie de la construction compte 24 524 entreprises ayant d'un à neuf employés au Québec, a précisé la FCEI.