Qui a mangé du saumon génétiquement modifié? Il y a de grandes chances que ce soit des Québécois, à leur insu. Car ce poisson, venu du Panamá, peut être vendu sans qu'on précise qu'il s'agit d'un animal transgénique. Et au mois de juin, le Québec a importé une quantité inhabituelle de poisson du Panamá, près de cinq tonnes.

L'entreprise américaine qui commercialise ce poisson, Aquabounty, a indiqué avoir vendu les premiers spécimens de son produit révolutionnaire pour la consommation, sans préciser à qui. Aquabounty fait grandir ses saumons au Panamá. Or, l'organisme québécois Vigilance OGM sonne l'alarme : une mystérieuse cargaison de saumons du Panamá est arrivée au Québec en juin.

Les données de Statistique Canada confirment que le Québec a reçu cette année 4,8 tonnes de saumon du Panamá pour une valeur de 71 359 $. Le Québec importe beaucoup de saumon, notamment de l'Islande, du Chili, de l'Irlande, des États-Unis, des pays scandinaves et même de la Chine, mais le poisson panaméen est plutôt rare. Le Canada en a reçu de petites quantités en 2015 et en 2016. Rien de comparable à ce qui est entré au Québec cette année.

Au Québec, les trois grandes enseignes - Provigo, IGA et Metro - ont indiqué qu'elles n'en vendraient pas.

«Si nos soupçons se confirment, les Québécois et Québécoises auraient été les premiers consommateurs du monde à manger un animal génétiquement modifié», affirme Thibault Rehn, coordinateur de Vigilance OGM.

Le producteur de saumon a refusé de confirmer. «Nous ne dévoilons pas les noms ou les lieux où se trouve notre clientèle», a simplement indiqué par courriel Dave Conley, porte-parole d'Aquabounty.

À l'insu des clients

Dans ses conditions, l'organisme Vigilance OGM demande au gouvernement québécois d'imposer l'étiquetage obligatoire du saumon transgénique afin que les consommateurs puissent faire leur choix en toute connaissance de cause.

«Ce saumon génétiquement modifié a pu se retrouver dans des institutions, des restaurants ou sur les étalages des épiceries via les produits transformés, et les consommateurs ne peuvent malheureusement pas le savoir», poursuit Thibault Rehn, dans un communiqué.

Le poisson Aquabounty est le premier animal transgénique à être commercialisé. Il est une sorte de croisement entre le saumon de l'Atlantique et un Chinook, ce qui lui donne une croissance beaucoup plus rapide. Le saumon modifié atteint sa taille commerciale en environ 18 mois, plutôt qu'en trois ans.

Quant à son goût, impossible d'en parler, puisqu'il n'en reste plus un. «Les cinq tonnes ont été consommées en quelques jours», précise Dave Conley.

Les Canadiens sceptiques 

Un sondage Nielsen commandé pour Agriculture Canada confirme que les Canadiens ne tiennent pas les animaux génétiquement modifiés en haute estime. Seulement 18% des participants à l'étude croient que les animaux transgéniques vont améliorer leur vie dans les 20 prochaines années, alors que 63% estiment que cela va la rendre pire.

Les répondants ne sont pourtant pas opposés aux nouvelles technologies : la majorité approuvent la recherche dans les domaines des cellules souches, des biotechnologies et des nanotechnologies. Seulement 40% croient que les plantes issues d'OGM vont rendre leur vie meilleure.

Les animaux modifiés terminent bons derniers dans le tableau. Une majorité de Canadiens avouent aussi que le dossier du poisson génétiquement modifié leur est peu familier.

- Avec William Leclerc, La Presse