Dans le cadre d'une collaboration spéciale avec Singa-Québec, organisme voué à l'intégration des immigrés, La Presse a invité des réfugiés à apprendre les rudiments du métier avec des journalistes de la salle de rédaction et à publier dans ses pages sur des sujets de leur choix.

Pour Basmah, le voile fait partie de son identité. Mais depuis son arrivée à Montréal, elle a été troublée par les regards réprobateurs et les insultes en pleine rue, même en présence de ses enfants. Au point où, un jour, elle n'a plus voulu sortir du tout de chez elle...

Mon nom est Basmah. Je suis au Canada avec mes enfants et mon mari depuis le 21 octobre 2014. Je suis venue de la Syrie, laissant une partie de ma famille et de mes amis là-bas. J'ai hésité avant de voyager, car je devais me séparer des personnes que j'aimais beaucoup afin de trouver la sécurité.

À mon arrivée au Canada, j'ai décidé de poursuivre mes études et je devais commencer par apprendre le français. J'ai fréquenté une école de francisation en emmenant mon petit garçon de 3 ans en classe.

Mon premier choc est survenu à un arrêt de bus. J'étais avec mon fils lorsqu'un homme m'a insultée devant tout le monde parce que je portais le voile. Il m'a dit de retourner dans mon pays. J'ai été touchée et surprise de sa mauvaise attitude envers moi et j'ai commencé à pleurer. Les gens autour de moi étaient gentils et m'ont dit de ne pas faire attention à ses propos blessants.

J'ai été insultée plusieurs fois par différentes personnes, mais j'ai tout de même continué à fréquenter les cours et à sortir de la maison, en étant rassurée de trouver des personnes gentilles autour de moi. Cela m'a encouragée à poursuivre mes plans d'avenir.

Un jour, dans le bus pour rentrer vers la maison, j'ai remarqué une femme qui me lançait un regard haineux. Je suis sortie du bus, elle est sortie derrière moi et m'a suivie. Cette femme m'a vraiment blessée. Choquée, j'ai essayé de m'enfuir. Je suis arrivée chez moi et je me suis effondrée, en larmes. Je venais de réaliser à quel point les gens pouvaient avoir des sentiments haineux et discriminatoires contre le voile.

À la suite de cet incident, je ne voulais plus quitter la maison. J'avais été humiliée de nombreuses fois. Plusieurs mois plus tard, des amis canadiens sont venus me rendre visite et m'ont expliqué que dans ce pays, il y a de mauvaises personnes comme de bonnes personnes, et qu'il faut aller de l'avant et retourner à l'école sans avoir peur. J'ai alors décidé de reprendre les cours de francisation.

Puis, ma fille a décidé de s'inscrire à un atelier de photographie. Elle a pris une photo de moi sur laquelle je paraissais triste et pensive, alors que je réfléchissais à tout ce que j'avais laissé derrière moi en Syrie. La photo a été présentée dans une exposition. Lorsque j'ai lu les commentaires qui avaient été rédigés à propos de cette photo, je me suis sentie soulagée. La plupart des gens écrivaient qu'ils étaient heureux de m'accueillir au Canada, mais il y avait encore quelques commentaires haineux parce que je portais le voile.

Le voile est pour moi une façon d'affirmer mon identité. Je cherche à créer une vision positive du voile, qui est un élément symbolique. Je ne veux pas être la cible de personnes racistes et hostiles. Je veux construire mon avenir et celui de mes enfants dans ce magnifique pays, un beau pays où il y a de la justice et la liberté d'expression.

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Basmah Issa

Âge : 35 ans

Origine : Syrie

Arrivée au Canada : 2014

Mère de quatre enfants, Basmah Issa vit à Montréal depuis maintenant trois ans. En plus d'apprendre le français, elle prévoit commencer des cours d'anglais en décembre. Ses quatre soeurs et sept frères habitent toujours en Syrie.

PHOTO MICHAEL PROBST, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Le port du voile entraîne parfois des regards réprobateurs et des insultes en pleine rue, déplore Basmah Issa.