Radio-Canada/CBC a décidé de participer en grand à la conférence South by Southwest cette année. La société d'État a dépêché 15 de ses employés au Texas pour assister à la grand-messe de l'industrie numérique, en mars dernier, un voyage qui aurait coûté plus de 60 000 $ au diffuseur public.

Selon des notes de frais obtenues en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, les services français de Radio-Canada ont envoyé 13 personnes de Montréal, y compris des cadres et des journalistes, à l'événement qui se déroule chaque année dans la ville d'Austin. Deux employés de CBC de Toronto y ont aussi participé.

Les documents remis à La Presse sont lourdement caviardés, mais on y apprend les sommes réclamées par deux cadres du diffuseur public : 6483 $ et 5545 $. Si l'on arrondit de façon prudente à 4000 $ les frais de ce voyage pour les autres participants, la facture globale pourrait dépasser les 60 000 $ pour l'événement qui s'est déroulé du 10 au 19 mars. 

PARTICIPATION « JUSTIFIÉE »

Dans un courriel à La Presse, Marc Pichette, directeur des relations publiques de Radio-Canada, a fait valoir que la participation de « tous » ces employés était justifiée. « South by Southwest est un événement à la fine pointe de tout ce qui se fait dans le domaine du numérique », a-t-il souligné.

PHOTO DAVID PAUL MORRIS, ARCHIVES BLOOMBERG

Le festival South by Southwest, qui comprend un important volet numérique, a lieu chaque année à Austin, au Texas.

«L'événement réunit des conférenciers et des panels du plus haut niveau qui sont susceptibles de nous aider à peaufiner nos stratégies numériques.» - Marc Pichette, directeur des relations publiques de Radio-Canada

Le tiers de la délégation était sur place afin de produire des contenus pour les différentes plateformes de Radio-Canada, notamment une équipe de l'émission La sphère, a ajouté M. Pichette. « D'autres y étaient pour consolider des relations d'affaires et des contacts utiles avec les forces vives de l'univers numérique. En fait, tous y étaient pour contribuer d'une manière ou d'une autre à notre virage numérique qui représente l'une des priorités de notre plan stratégique. »

ACCÈS À L'INFORMATION

Le porte-parole a refusé de dire combien d'employés de Radio-Canada ont pris part à South by Southwest au cours des années précédentes. Il a plutôt invité La Presse à rédiger une nouvelle demande en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. Il a cité la même loi pour justifier la non-divulgation des frais de déplacement de 13 des 15 participants à la conférence.

« Les dépenses qui se rapportent à des activités de journalisme, de création ou de programmation n'ont pas à être dévoilées », a indiqué Marc Pichette.

Aussi, même si le diffuseur public est tenu par la loi de dévoiler les informations concernant ses employés administratifs - y compris les cadres -, cette divulgation aurait été inappropriée dans la présente situation, a soutenu le porte-parole.

«Des informations qui les concernent ont été caviardées, soit parce que cela impliquait des relations avec une autre entreprise ou qu'il s'agissait de renseignements commerciaux concurrentiels.» - Marc Pichette, directeur des relations publiques de Radio-Canada

Parmi les dépenses connues, on apprend qu'une responsable des marchés numériques de Radio-Canada s'est fait rembourser 2917 $ pour huit nuits à l'hôtel, et qu'elle a réclamé huit indemnités quotidiennes de 131 $ ainsi que 1557 $ pour sa participation à des séminaires et à des conférences.

RÉINVESTISSEMENT MASSIF

CBC/Radio-Canada a reçu 1,1 milliard de dollars en financement public pendant son dernier exercice financier, soit 75 millions de plus que l'année précédente. Après des années de coupes sous l'ancien gouvernement conservateur de Stephen Harper, le diffuseur s'est vu accorder un réinvestissement de 675 millions sur cinq ans pour moderniser son modèle d'affaires et l'orienter davantage vers le numérique.

Au bureau de Mélanie Joly, la ministre responsable du diffuseur, on a indiqué hier que « CBC/Radio-Canada est une société d'État autonome responsable de ses opérations », y compris les sommes qu'elle consacre aux événements comme South by Southwest.

Alain Reyes, le lieutenant québécois du Parti conservateur, a de son côté qualifié ces dépenses de « disproportionnées ».

- Avec William Leclerc, La Presse