Québec a exigé d'Uber qu'elle resserre le mécanisme de vérification des antécédents de ses chauffeurs, après que cinq personnes eurent réussi à devenir « partenaires-chauffeurs » de l'entreprise même s'ils avaient un dossier criminel ou que des accusations pesaient contre eux.

Ces cinq chauffeurs, mis à l'amende à la suite de vérifications menées depuis janvier par le Bureau du taxi de Montréal, avaient en principe tous fait l'objet d'une vérification des antécédents criminels au préalable.

Ils ont écopé d'amendes de 700 $ pour avoir omis d'informer la multinationale qu'ils avaient un dossier ou des accusations pendantes.

La nature des crimes commis ou qui leur sont reprochés reste strictement confidentielle, affirme le Bureau du taxi de Montréal, qui refuse de dévoiler le moindre détail sur les circonstances des arrestations.

VÉRIFICATIONS CONFIÉES À UNE FIRME PRIVÉE

Depuis l'entrée en vigueur du projet pilote autorisant les activités d'Uber, tous les chauffeurs de taxi traditionnel et les chauffeurs d'Uber doivent obligatoirement se soumettre à un processus de vérification des antécédents. Mais contrairement aux chauffeurs de taxi qui obtiennent leur certificat d'antécédents directement de la police de Montréal, le projet pilote permet à Uber de confier à une firme privée le soin de fouiller les bases de données criminelles. C'est la firme Mintz qui s'en charge, moyennant un paiement de 42 $ par chauffeur. Ses vérifications ne permettent cependant pas de déceler des accusations pendantes ou très récentes qui figurent dans les bases de données actives de la police qui sont utilisées par les enquêteurs du Bureau du taxi.

À Québec, un autre cas révélé par Le Soleil en mai dernier a aussi montré des lacunes dans le mécanisme de vérification d'Uber. Un chauffeur de taxi qui avait un dossier criminel pour agression armée, à qui la Société de l'assurance automobile du Québec a refusé le renouvellement de son permis de taxi, a réussi à devenir malgré tout chauffeur pour Uber.

RÉVISION DES PROCESSUS

Après avoir fait enquête sur ce cas, le ministre des Transports, Laurent Lessard, a rencontré Uber à la fin du mois d'août. « Nous leur avons demandé de revoir leur processus de vérification en apportant certains changements pour le renforcer », affirme le porte-parole du ministre, Mathieu Gaudreault.

Uber doit désormais vérifier les dossiers de chacun de ses chauffeurs dans la base de données payante de la Société québécoise d'information juridique (SOQUIJ), qui relève du ministère de la Justice. Dans cette base, on met à jour en temps réel les accusations criminelles. Les formulaires d'inscription ont aussi été revus pour favoriser l'autodéclaration d'antécédents et pour éviter les erreurs typographiques qui pouvaient mener à des résultats faussement négatifs.

« C'est un enjeu de sécurité important pour la population. Une erreur, ça peut arriver, mais il ne faut pas que ça se répète. C'est pourquoi nous avons demandé ces changements », ajoute M. Gaudreault.

Ces derniers mois, des chauffeurs de taxi sont aussi passés entre les mailles du filet de vérification. La Commission des transports du Québec a récemment suspendu les permis de deux chauffeurs de taxi neuf mois après que des accusations d'agression sexuelle eurent été déposées contre eux.

Uber, de son côté, souligne que ses chauffeurs ont l'obligation « de déclarer tout changement à leur dossier ». « Bien qu'Uber ait un processus de vérification très strict et complet, la vérification judiciaire en temps réel de chaque chauffeur de taxi ou d'Uber représente une opportunité d'amélioration pour tous, a déclaré par courriel le porte-parole québécois Jean-Christophe de Le Rue. Nous continuerons de collaborer avec le gouvernement afin de déterminer si des améliorations sont nécessaires. »

BASE D'UNE CONTESTATION JUDICIAIRE

C'est un groupe de chauffeurs de taxi qui a découvert l'existence, grâce à une demande d'accès à l'information, des cinq cas de chauffeurs mis à l'amende pour avoir omis d'informer Uber de l'existence de dossiers ou d'accusations criminelles les concernant. Les chauffeurs tenteront de faire suspendre les activités de l'entreprise lors d'un recours qui sera entendu ces prochains jours en Cour supérieure. « On veut démontrer que le gouvernement accepte tacitement qu'Uber ne respecte pas les règles qu'il a lui-même dictées dans son projet pilote », affirme le chauffeur de taxi Mouhcine El Meliani, qui est à la tête du recours.

D'AUTRES CONTRAVENTIONS DONNÉES AUX CHAUFFEURS UBER DEPUIS JANVIER 2017

Ne pas avoir apposé la vignette d'Uber sur la lunette arrière de la voiture : 291 infractions

Ne pas avoir eu à bord du véhicule le rapport de vérification mécanique attestant sa conformité : 84 infractions

Avoir utilisé une voiture âgée de plus de 10 ans ou ayant plus de 350 000 km au compteur : 26 infractions

Avoir entravé le travail d'un enquêteur : 8 infractions

Source : Bureau du taxi de Montréal