Très tôt mardi matin, un groupe de Québécois partis des îles Turques-et-Caïques a atterri à Montréal. Vers minuit et demi, après que l'ouragan Irma les ait séquestrés de longues heures dans un hôtel heureusement très bien équipé, après avoir passé des jours sans savoir quand ils rentreraient, ils sont finalement arrivés à la maison, la plupart en pleurs, soulagés de s'en être sorti.

Une demi-douzaine de familles, de proches et une bande d'amis munis d'une pancarte colorée patientaient dans la nuit de lundi à mardi à l'aéroport Pierre-Elliott-Trudeau, multipliant les aller-retour vers le tableau d'affichage des arrivées. L'écran leur a finalement donné l'information qu'ils attendaient. Le voyant du vol d'Air Canada est passé au vert. Arrivé.

Un jeune couple a rejoint sa famille, de grands sourires aux lèvres, les yeux fatigués et les émotions à fleur de peau. Autour d'eux, la même scène, mais différentes familles. Des petits îlots de retrouvailles autour de ces rescapés dont le périple a tout de même été émotionnellement éprouvant, bien qu'ils aient eu plus de chance que d'autres. «On se sentait en sécurité dans l'hôtel, on a même réussi à dormir», a raconté Michel Charbonneau, racontant de quelle façon sa petite amie et lui s'étaient barricadés dans la salle de bain de leur chambre du Club Med, ce centre d'hébergement d'urgence improvisé où près d'une centaine de personnes se sont réfugiées le temps de l'ouragan.

«Ils se sont vraiment bien occupés de nous», a renchéri la jeune femme à ses côtés, Myriam Duchaine. Le premier étage de l'hôtel avait été totalement évacué, forçant le couple à être déplacés dans une chambre à partager avec d'autres clients. Toutes les fenêtres du Club Med avaient été placardées. Les consignes étaient simples: s'enfermer dans une salle de bain ou autre endroit sans fenêtre et ne pas en sortir avant qu'Irma ne décide de s'éloigner. Ça aura duré environ 18 heures, selon Michel et Myriam. Les bruits «indescriptibles», les murs qui tremblaient sous la force des vents et puis le lendemain, «ce n'était plus qu'un gros orage».

Un retour que l'on espérait plus

Pour les touristes coincés dans les Caraïbes autant que pour les proches sans nouvelles, l'attente et le manque de renseignement ont été difficiles pour le moral. «Ça a été compliqué d'avoir des informations», a avoué Michel Charbonneau. Seule chose certaine avant l'arrivée d'Irma: ils ne pourraient pas s'enfuir avant qu'il ne frappe. Après son passage, pour le retour au bercail, encore une fois très peu de communication, raconte le jeune homme.

Dimanche, le vol humanitaire d'Air Canada qui devait les ramener chez eux est finalement resté cloué au sol, car le gouvernement local n'autorisait aucun départ. «Jusqu'à 17h, ils y ont cru, ils avaient leurs billets dans les mains et finalement, on les a ramenés à l'hôtel», témoigne Joanne Plarinos dont la soeur se trouvait seule aux Provinciales, petite île de l'archipel des Caicos.

«Ça a été tellement difficile de la savoir toute seule là-bas», lâche-t-elle, le regard embué de larmes au moment de relater les derniers jours. «Elle me disait qu'ils se sont sentis oubliés, ils ont vu que les autres étaient rescapés, mais personne ne leur venait en aide.»

La famille de Julie Plarinos, présente au grand complet pour l'accueillir, est très critique envers la gestion gouvernementale des évènements, blâmant surtout la partie fédérale de ne pas en avoir fait assez. Quant au premier ministre Couillard, «c'est bien beau son message hier [dimanche] mais il n'a pas fait grand-chose de plus», déplore une cousine.

Malgré la frustration et malgré l'épreuve traversée, le soulagement semblait être l'émotion qui dominait hier nuit. «Viens-t'en. C'est fini», a dit un père à sa fille, en se dirigeant vers la sortie de l'aéroport, un bras protecteur autour de ses épaules.

Monique Ducharme et sa fille ont enfin foulé le sol québécois mardi matin. 

«On a vraiment eu un tout inclus en majuscule», a-t-elle lâché avec émotion après avoir récupéré ses bagages. 

Elle et sa fille avaient quitté pour les îles Turques-et-Caïques, le 2 septembre pour une semaine de vacances. La femme était très émotive à son retour au pays, confiant avoir eu la peur de sa vie. 

Mme Ducharme, comme des centaines de touristes résidant au Club Med, a été confinée dans sa chambre d'hôtel pendant plus d'une dizaine d'heures. «Un moment donné, c'était tellement intense que ma fille et moi, nous nous sommes réfugiées dans la salle de bain», raconte-t-elle. 

Les fenêtres placardées, les voyageurs barricadés dans les hôtels, n'entendaient que les bruits des vents violents, des arbres qui tombaient. «On ne voyait rien, on entendait des gens crier à l'aide parce que leurs vitres avaient cassé. C'était vraiment quelque chose», a relaté Sylvie Forget, qui rentrait aussi des îles Turks-et-Caicos. 

Elle et sa famille se sont jointes à d'autres voyageurs pour être quatre dans la même chambre. «On a passé ce moment-là ensemble, on ne s'attendait pas à ça, c'est un événement extraordinaire». Mme Forget et ses proches ont passé 18 heures dans la chambre, sans rien voir à l'extérieur. 

Liza Kassis était avec eux. «Les gens disent que c'est une expérience mémorable, je dis que non. Ce n'était vraiment pas agréable, j'ai eu peur de mourir», a confié la jeune fille qui voyageait avec son père. 

Alexandre Kano lui, a vécu une expérience totalement différente alors qu'il louait avec sa femme une villa privée, dans un secteur prisé pour le «kite surf». «On était de l'autre côté de l'île, c'était un petit peu plus violent», a-t-il expliqué. 

«Un moment donné, la pression sur la maison était trop forte, on s'est caché d'abord dans un genre de bunker et ensuite dans la toilette. La porte d'entrée a failli ouvrir, nous avons sorti des cordes pour attacher les portes. J'ai défait une étagère et vissé les planches sur la porte, c'était vraiment toute une histoire», a poursuivi l'homme. 

Tous les voyageurs rencontrés ont eu de bons mots pour la compagnie aérienne WestJet. «Du moment où ils ont pu venir, ç'a été un service exceptionnel», a dit Monique Ducharme. 

Tous ont dit avoir été «bien traité», mais certains auraient aimé que des vols s'organisent les jours précédents le passage d'Irma.