Au premier jour de la reprise des travaux de la Commission d'enquête sur les sources journalistiques, lundi, la Fédération professionnelle des journalistes du Québec a soutenu que les services de police ont lancé une véritable chasse aux sources pour trouver qui parle aux reporters.

«Il existe au Québec ce qui s'apparente à une véritable chasse aux sorcières, dans le but de démasquer toute personne qui relaie de l'information aux journalistes, même si cela signifie violer les règles les plus élémentaires», a tonné Me Mark Bantey, qui a présenté le mémoire de la FPJQ, aux côtés du président de l'organisation, Stéphane Giroux.

Les policiers, la magistrature et les gouvernements devront faire un examen de conscience sérieux s'ils veulent continuer de prétendre que la liberté de presse, garantie dans nos chartes des droits, est respectée en ce pays, a lancé Me Bantey, un avocat spécialisé en droit des médias.

La FPJQ formule plusieurs recommandations pour éviter que des cas semblables à ceux que la commission a étudiés, le printemps dernier, se reproduisent.

Dans le cadre d'enquêtes sur des policiers, les registres d'appels téléphoniques de certains journalistes avaient été obtenus, parfois sur une période très étendue.

La FPJQ suggère entre autres une formation complète pour les policiers et les juges quant à la liberté de presse et la protection des sources journalistiques.

Elle propose aussi la possibilité pour les médias de se représenter eux-mêmes lorsqu'ils font l'objet d'une demande d'autorisation judiciaire, dans les cas où ils sont des tiers innocents. Ils pourraient ainsi faire valoir leurs objections.

Elle conseille aussi de modifier les codes de procédures civiles et pénales, et même d'envisager la possibilité d'inclure le privilège de protection des sources journalistiques dans les chartes des droits et libertés.

Me Bantey a revendiqué la protection non seulement des sources confidentielles, mais également de celle du matériel qui n'a pas été publié par un média.

Le SPVM se défend

Avant la FPJQ, le Service de police de la ville de Montréal avait témoigné devant la Commission Chamberland.

Il a tenu à rappeler qu'il n'a jamais enquêté sur des journalistes, mais bien sur des policiers soupçonnés notamment de contrevenir à leur serment de discrétion.

Le procureur du SPVM, Me Giuseppe Battista, a rappelé que les enquêtes qui ont été scrutées par la commission, jusqu'en juin dernier, portaient sur des policiers.

«L'objectif de ces enquêtes était d'identifier les policiers qui transmettaient de l'information sensible, confidentielle et sans droit à des journalistes», a souligné Me Battista.

Le SPVM s'est défendu d'avoir ratissé trop large ou d'avoir déployé des moyens trop importants pour la gravité des infractions soupçonnées.

Le juge Jacques Chamberland, qui préside l'enquête, s'est lui-même inquiété de l'ampleur des informations ainsi obtenues sur des journalistes ou des tierces parties, sans qu'elles soient toujours pertinentes à l'enquête sur des policiers.

«À chaque fois, c'est une intrusion dans la vie privée de quelqu'un. Et de savoir qu'on sait plein de choses qui ne seront pas utiles à l'enquête est une triste consolation, dans un sens, parce qu'on sait que quelqu'un sait quelque chose sur nous et peut-être sur nos sources», a-t-il fait valoir.

«D'où l'importance du serment de discrétion» du policier, lui a répliqué Me Battista.

Le SPVM s'est aussi défendu de nuire ainsi au droit du public à obtenir des informations importantes.

«Il n'est pas question ici de lanceurs d'alerte qui dénoncent une situation de corruption ou de malversation. Ce dont il est question concerne des personnes qui violent des obligations précises et dont le comportement constitue la violation d'une loi qu'elles sont tenues de respecter, dont le Code criminel», a plaidé Me Battista.

Le SPVM a formulé plusieurs recommandations, touchant notamment une formation plus poussée des policiers sur le devoir de discrétion, sur la liberté de presse et sur la protection des sources journalistiques.

La commission avait ajourné ses travaux à la fin du mois de juin, après avoir terminé l'audition de la preuve quant aux événements touchant la protection des sources journalistiques qui avaient mené à sa création.

Elle a amorcé lundi l'audition de mémoires de parties intéressées et du public.