Quatre mois après les inondations du printemps dernier qui ont frappé plusieurs régions du Québec, des centaines de sinistrés sont toujours en attente d'un permis, d'un chèque, d'une autorisation ou d'un avis d'expert pour entreprendre ou terminer les réparations de leur maison, alors que l'hiver approche.

Hier matin, ils étaient une centaine rassemblés à Kirkland devant le bureau de circonscription du député de Nelligan et ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux, pour crier leur « colère », leur « impatience » et leur « frustration » devant une bureaucratie « indifférente » qui laisse traîner en longueur le traitement de leurs demandes d'indemnisation.

Les organisateurs de cette manifestation ont appelé les participants à se regrouper afin de mettre en commun leurs expériences, leurs déceptions ou - dans quelques cas trop rares - leurs réussites, pour faire avancer les choses. « Nous sommes face à une crise humanitaire, a dit Pierre-Luc Cauchon. S'il faut trouver des coupables, on verra cela après. En attendant, l'hiver s'en vient, et il faut que les dossiers avancent. »

La Presse a rencontré quelques-uns de ces sinistrés.

ROXANNE BRIAND

GATINEAU

« Après avoir passé trois mois dans un motel, je vis dans une maison qui n'a plus de murs à quatre pieds du plancher. Il n'y a plus d'isolation dans le sous-sol, plus de plancher, plus de chauffage. L'hiver s'en vient et on attend encore des réponses du Ministère. On est allés à la Ville [de Gatineau] après avoir rassemblé tous nos documents, et ça, M. Coiteux, il ne réalise pas ce que ça représente. Il te faut un rapport sur la hauteur des lignes d'eau, un certificat de localisation, il faut faire venir un ingénieur pour les plans et devis des fondations et il te faut une estimation de l'entrepreneur. Et une fois que tu as le permis de la municipalité, il faut le faire certifier par le Ministère. On est rendus là. Il faut rendre cela plus facile pour les sinistrés. Présentement, on appelle au Ministère, et ton agent de cas, il ne comprend même pas le programme. C'est un peu décourageant. »

MONA CHRÉTIEN ET MICHEL BÉRUBÉ

CHEMIN SAUVÉ, RIGAUD

« Notre terrain est surélevé, si bien qu'on n'a pas eu une goutte d'eau sur le plancher et que c'est juste le vide sanitaire qui a été inondé. On a nos rapports de la Sécurité publique, et on est sous la barre des 50 % qui obligerait une démolition. Mais la Ville de Rigaud nous refuse les permis. Ils disent que les dommages sont trop importants. Que ma fosse septique n'est pas conforme, malgré un rapport d'expertise qui dit le contraire. Qu'il va falloir un solage hydrofuge, qui coûte de 30 000 à 40 000 $ de plus qu'un solage ordinaire. Mercredi, quand je suis allé demander mon permis, ils m'ont conseillé de remettre mes clés, et qu'ils vont me faire une offre pour la maison. Tout ça, c'est toujours juste verbal, il n'y a jamais rien d'écrit. J'ai payé la maison presque deux fois le prix de l'évaluation municipale, parce qu'elle est sur le bord de l'eau. J'ai l'impression qu'on se fait exproprier de façon déguisée. »

BENOÎT BÉRIAULT

RUE DES MAÇONS, PIERREFONDS

« Le sous-sol a été complètement inondé. Le système électrique, le chauffage, l'isolation, les murs, les fenêtres, tout est à refaire. Jusqu'à présent, on a pu avancer les travaux avec nos sous, mais là, pour les drains et les fenêtres, on n'a toujours pas le permis municipal. Le rapport du Ministère qu'on a reçu, il y a trois semaines, ne reflète pas les dommages ni les coûts réels. Mais pour le moment, c'est le permis qui nous préoccupe. La maison n'est pas habitable pour l'hiver sans les fenêtres et l'isolation. Cette semaine, j'ai appelé au Ministère pour savoir s'ils avaient reçu mon dossier. L'agent m'a dit qu'il en avait cinq sur son bureau et qu'il n'avait pas le temps de me répondre. Il a promis de m'appeler lundi [aujourd'hui]. Dans ma rue, plusieurs personnes se sont fait dire ça. Personne ne les a rappelées. »

ANDRÉ FAUTEUX

RIGAUD

« Ma maison n'a pas été endommagée, mais les fondations, oui. Ils ont évalué les dommages à plus que 50 % de sa valeur [ce qui devrait entraîner sa démolition]. Alors j'essaie de faire baisser la valeur des dommages. Par exemple, ils ont évalué à 5000 $ les dommages à un balcon en ciment. Je peux le refaire en bois pour moins de 1000 $. On me compte six châssis endommagés, je pourrais me contenter de deux. Juste cela, c'est 9000 $ de moins sur mon évaluation. Je pourrais la faire baisser sous les 50 %. Ça fait cinq mois que je vis avec ça. Qu'est-ce qui va arriver ? Est-ce que je reste là ? Est-ce qu'on démolit ? Je ne sais pas ce qu'ils cherchent, s'ils veulent avoir mon terrain ou m'enlever de là. Je ne le sais pas. Ça vous met sur le nerf en maudit. »

GINETTE ROY

CHEMIN DE LA RIVE-BOISÉE, PIERREFONDS

« L'agente qui s'occupe de moi [au ministère de la Sécurité publique] me répète toujours : "Soyez patiente, soyez patiente." J'ai été bien patiente. Elle m'a envoyé le rapport de dommages, le 3 août, et je lui ai fait remarquer que le rapport ne parle pas de mon mur de fondation. Ce ne sont pas des fissures qu'il y a dans ce mur, ce sont des "craques" d'un pouce de largeur, de part en part. Le bureau d'ingénieurs qui a évalué mes fondations parle de 140 000 $ pour les travaux, alors que le rapport du gouvernement m'offre 50 000 $. Avec ça, on refait la dalle de béton, le gypse, les fenêtres et mon escalier. Mais qu'est-ce que je fais avec le mur ? »