Les survivants de l'attentat à la grande mosquée de Québec s'impatientent devant la lenteur du procès d'Alexandre Bissonnette. Certains disent même constater, avec horreur, une « montée de la haine » contre les musulmans dans la foulée de l'attentat du 29 janvier.

Après la tuerie, la classe politique et des figures médiatiques de Québec avaient plaidé pour un rapprochement des communautés. Il y aurait un « avant » et un « après ».

Mais les lendemains déchantent selon un membre influent de la communauté, qui a lancé un « cri du coeur » hier devant les médias au palais de justice de Québec. Boufeldja Benabdallah est arrivé à Québec en 1969. Il dit n'avoir jamais constaté autant de haine envers la communauté musulmane.

« La preuve, c'est qu'on a été injurié, attaqué, on a reçu des excréments, la voiture de notre président a été brûlée, on a reçu une tête de cochon. Est-ce que je vous en ajoute d'autres ? Ça n'arrête pas », déplore M. Benabdallah, vice-président du Centre culturel islamique de Québec (CCIQ).

« Le 29 janvier, ç'a été une tragédie immense. Mais ç'a continué. Et mon dieu on commence à être tannés, tannés, tannés de cette situation. On est quasiment les accusés pour une minorité qui nous montre du doigt », déplore-t-il.

« Je sens une montée de groupuscules qui sont en train de monter la haine à Québec. Ça fait 48 ans que je suis ici, je n'ai jamais vu ça, lance-t-il. Ça s'est déclaré quand ? Ça s'est déclaré dans les cinq dernières années. Jamais il n'y a eu une montée comme ça. »

« Avant, on nous appelait pour participer à des festivités, pour nous inviter... Et tout d'un coup, on devient des proscrits, des gens dont il faut s'éloigner. Pourquoi ? Parce qu'on a une religion qui s'appelle l'islam ? Parce qu'on fait des confusions avec ce qui se passe à l'extérieur ? »

UNE ATTENTE INSOUTENABLE

Boufeldja Benabdallah était visiblement très ému au moment de s'adresser aux médias. Il venait de voir de visu Alexandre Bissonnette, accusé de six meurtres et cinq tentatives de meurtre, dans le box des accusés.

La Couronne a annoncé hier qu'elle allait terminer de divulguer sa preuve le 2 octobre. On connaîtra la date du début du procès avant Noël si tout va bien.

Pour les familles des victimes, cette attente est insoutenable, a fait valoir M. Benabdallah, qui dit néanmoins faire confiance à la police et à la justice.

L'attentat à la grande mosquée de Québec, en plus de six morts, a fait des blessés graves, dont un père de trois enfants qui ne pourra plus jamais marcher. L'attaque a aussi laissé 17 orphelins.

PHOTO MATHIEU BÉLANGER, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Alexandre Bissonnette