On peut devenir père plus d'un an après sa mort, tranche la Cour d'appel du Québec.

Le tribunal vient de confirmer qu'un enfant issu d'un embryon congelé du vivant d'un homme et implanté dans l'utérus de sa veuve bien après sa mort est bien le fils de son père.

À la clé : un vif débat sur l'héritage du défunt, dont l'enfant devrait finalement recevoir sa part, puisque le nom de son père a été inscrit sur son acte de naissance.

Les frères et soeurs du défunt contestaient la reconnaissance de la paternité, plaidant que même si l'enfant était biologiquement le fils de son père, il ne l'était pas juridiquement.

« Prétendre, en définitive, que l'enfant ne pourrait jamais se faire reconnaître une filiation paternelle malgré la vérité quant à l'identité du père biologique a quelque chose de choquant », a écrit la Cour d'appel cette semaine en rejetant l'argument. Les frères et soeurs du défunt « nient la vérité et la réalité ».

SEIZE EMBRYONS

Le couple au centre de cette situation, Jules et Marie*, se marie au Congo en 2004, puis émigre au Canada.

En 2011, la Clinique Procréa de Montréal congèle 16 embryons conçus à l'aide du sperme de Jules, et Marie s'en fait implanter deux, en vain. Le couple signe aussi un formulaire faisant du survivant le propriétaire des embryons en cas de décès de l'un d'eux.

De retour dans son pays d'origine depuis quelques mois pour régler la succession de son propre père, Jules meurt subitement en janvier 2012.

« Le 24 septembre 2012, la mère entreprend la deuxième insémination, laquelle fonctionne », écrit la Cour d'appel en résumant le dossier. En 2013, « elle donne naissance à un garçon, soit 493 jours après le décès du père biologique ».

C'est sur ce délai que les frères et soeurs du défunt ont insisté pour tenter de convaincre la Cour d'appel d'invalider un jugement de première instance forçant l'état civil à inscrire le nom de Jules sur le certificat de naissance.

Avec un tel délai entre sa mort et la naissance de son fils, Jules était dans « l'impossibilité [...] d'exercer ses droits et de remplir ses obligations découlant de l'établissement d'une filiation, rendant la filiation impossible », prétendaient-ils, selon le résumé contenu au jugement. « La filiation, prétendent[-ils], est un concept juridique qui surclasse le lien biologique. L'absence de mécanisme législatif pour établir la filiation posthume indique que cette dernière ne peut être reconnue. »

L'argument n'a pas convaincu les juges Allan R. Hilton, Jean Bouchard et Martin Vauclair.

« La mort n'est pas un empêchement à la filiation, ont-ils écrit. Le père biologique décédé ne devient pas un tiers au projet parental du simple fait de son décès. »

* Noms fictifs, les noms réels sont confidentiels