Le nombre de policiers de la Sûreté du Québec (SQ) déclarant occuper un second emploi a bondi le printemps dernier, quelques jours après que La Presse eut révélé qu'un officier de la SQ s'était absenté pour son autre emploi le jour du cafouillage de l'autoroute 13. Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) demeure néanmoins le champion du recours au double emploi.

En mars dernier, 166 policiers de la SQ, dont 18 officiers, disaient détenir un second emploi, une déclaration obligatoire en vertu de la Loi sur la police. Or, le 10 avril, ce nombre avait grimpé à 200 policiers, selon un document rendu public par la Loi sur l'accès aux documents.

Durant cette période, le capitaine Michel Lapointe avait été suspendu dans la foulée du chaos de la tempête du 14 mars, puisqu'il était chez le notaire pour son entreprise de gestion immobilière pendant son quart de travail, avait révélé La Presse. Cet officier était responsable de la région autoroutière du Grand Montréal le soir du chaos de l'autoroute 13. Il est toujours relevé de ses fonctions et affecté à des tâches administratives.

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NOMBRE DE POLICIERS DE LA SQ QUI OCCUPENT DEUX EMPLOIS EN MÊME TEMPS

• 2016-2017* : 200

• 2015-2016 : 147

• 2014-2015 : 133

• 2013-2014 : 145

• 2012-2013 : 96

* En date du 10 avril 2017

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«Il y a deux facteurs», explique le capitaine Guy Lapointe, porte-parole de la Sûreté du Québec.

«Il y a eu la grande médiatisation entourant l'histoire de l'autoroute 13. Ça a amené des gens qui ne l'avaient peut-être pas nécessairement déclaré, mais pas nécessairement parce qu'ils étaient de mauvaise foi, à le faire.

«Il y a beaucoup de gens qui sont propriétaires d'immeubles à logements, notamment, et qui n'étaient pas certains ou qui ne savaient pas s'ils devaient le déclarer. Des communications à l'interne avaient été envoyées pour faire des rappels aux gens sur les obligations légales en vertu de la Loi sur la police. »

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PRINCIPAUX EMPLOIS DÉCLARÉS PAR LES POLICIERS DE LA SQ



• Enseignant au collégial

• Pompier volontaire

• Entraîneur dans un centre sportif

• Instructeur aux Forces armées canadiennes

• Propriétaire d'un immeuble à revenu

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Analyse des cas

Les policiers et sous-officiers sont libres de leurs occupations en dehors de leur quart de travail tant qu'ils ne contreviennent pas aux dispositions de la Loi sur la police, soutient le capitaine Guy Lapointe.

«Mais on va encore plus s'attarder sur nos officiers qui occupent un double emploi pour s'assurer non seulement que l'emploi est compatible avec la fonction de policier, mais aussi que le type d'emploi soit aussi compatible en matière de temps et de disponibilité», explique-t-il.

Dix-huit officiers occupent un autre emploi rémunéré, dont dix enseignent au cégep ou à l'École nationale de police. Quatre détiennent des immeubles à revenu, et les autres sont courtier immobilier, instructeur pour l'armée, actionnaire d'un centre de santé, moniteur de ski et juge vidéo dans une ligue de hockey (à noter que 20 activités sont répertoriées parce que deux officiers enseignent et sont propriétaires d'immeubles à revenu).

Un comité est chargé d'analyser de façon plus approfondie chaque cas de double emploi en fonction des critères de la Loi sur la police et de la prestation de travail requise.

Réforme législative envisagée

En mars, le ministre de la Sécurité publique Martin Coiteux s'était montré favorable à modifier la Loi sur la police pour interdire le double emploi chez les officiers. «S'il faut qu'on le fasse, on va le faire», avait-il dit.

La semaine dernière, l'attachée de presse du ministre, Marie-Ève Pelletier, tenait le même discours. «Si on doit changer les lois, on va le faire», a-t-elle déclaré sans plus de détails.

342 policiers au SPVM

Les cas de double emploi fluctuent sensiblement au SPVM. À la fin de l'année 2016, 276 policiers, dont 16 cadres, avaient déclaré avoir une autre occupation. Puis, en avril dernier, seuls 204 policiers, dont 11 cadres, occupaient toujours un second emploi, selon des données obtenues par la Loi sur l'accès aux documents.

Or, en entrevue au 98,5 FM à la fin juin, le directeur Philippe Pichet parlait plutôt de 342 policiers, dont 21 cadres, se trouvant dans cette situation. Les deux tiers de ces cadres enseignent ou travaillent pour l'armée.

«Je n'ai pas vu de cas où des [cadres] avaient des problèmes de disponibilité», dit André Durocher, inspecteur à la division Nord, SPVM.

«Si jamais il y avait une telle situation, la personne devra faire un choix. [...] Le cas [de l'autoroute 13] a mis en lumière l'importance que si on occupe un double emploi, de ne jamais oublier qu'on est tout d'abord policier et qu'on se doit d'être disponible, compte tenu qu'on est dans un service d'urgence.»

Ce que dit la loi sur la police 

«Tout policier qui occupe un autre emploi ou bénéficie d'un autre revenu provenant d'une entreprise doit, sans délai, en divulguer la nature à son directeur. Il doit également l'aviser de toute situation potentiellement incompatible dans laquelle il se trouve. [...] La fonction de policier est incompatible avec : 

- le travail d'huissier, d'agent de recouvrement et de tout travail dont l'obtention d'un permis est exigé en vertu de la Loi sur la sécurité privée ;

- toute activité reliée à l'administration de la justice ou une activité qui exige un permis de la Régie des alcools, des courses et des jeux pour la consommation d'alcool sur place, à l'exclusion du permis de restaurant pour vendre et pour servir.»

- Avec William Leclerc, La Presse

Photo Olivier Jean, Archives La Presse

Guy Lapointe