Un ancien consul honoraire du Canada en Guinée et son gardien sont accusés du viol d'une mineure devant un tribunal de Conakry, en République de Guinée, un procès lancé le mois dernier qui fait les manchettes dans le pays d'Afrique de l'Ouest.

Jean Laprade, un homme d'affaires québécois impliqué à l'époque dans un projet de mine d'or en Guinée, occupait le poste de consul honoraire du Canada au moment des faits reprochés, qui auraient été commis contre une jeune vendeuse de bananes à la résidence consulaire de Conakry, le 25 février 2015. Le procureur demande 20 ans de prison dans ce dossier.

M. Laprade a quitté la Guinée et est aujourd'hui rentré au Québec. Son procès à Conakry se déroule donc en son absence.

Joint au téléphone, hier, M. Laprade a déclaré : « Non, je n'ai pas de commentaire à faire, monsieur. Ça, ce sont des histoires et ce sera traité comme des histoires. »

Lundi, le 5 juin, le procureur Mohamed Samoura a résumé au tribunal de Dixinn les faits qui sont reprochés à Jean Laprade et à son gardien, Aliou Sané, détenu à la maison d'arrêt de Conakry depuis le 10 avril 2015.

Le procureur a déclaré que le 25 février 2015, une fillette vendeuse de bananes âgée de 12 ans à l'époque, désignée sous le pseudonyme de FC, avait été invitée par Aliou Sané à venir vendre ses bananes à son patron, selon le compte rendu du journaliste Alpha Mamadou Diallo, qui assiste au procès pour le compte du site d'informations Guinée Matin.

« Habituellement, c'est le gardien qui achète [les bananes], mais ce jour-là, ils avaient d'autres intentions, a déclaré le procureur. C'est ainsi que Sané a fait entrer FC dans la concession. Jean Laprade a commencé par poser des questions à la mineure avant finalement de tomber sur elle pour la violer », a dit en substance M. Samoura, a rapporté lundi Guinée Matin.

JEUNE FILLE AMENÉE À L'HÔPITAL

Renvoyée à la rue, la fillette aurait été désorientée et aurait eu de la difficulté à marcher, si bien qu'une passante l'aurait amenée à l'hôpital. Le procureur a ajouté que le rapport médico-légal produit le lendemain de l'acte prouvait que la fillette avait bien été victime d'agression sexuelle.

L'avocat de la jeune fille, MMamady Doumbouya, a expliqué au tribunal que sa cliente a depuis quitté l'école.

« Elle a honte de se montrer et ce sera difficile pour elle de s'en remettre ou de trouver un mari. » - MMamady Doumbouya, avocat de la jeune fille

L'avocat a demandé, en réparation du préjudice subi, la somme de 1,5 milliard de francs guinéens (plus de 200 000 $CAN).

L'avocat de la défense a quant à lui déclaré lundi que l'affaire « était montée de toutes pièces » et que la fillette donnait des versions « contradictoires ».

Interrogé par le tribunal le mois dernier, Aliou Sané avait nié les accusations.

« [FC] avait l'habitude de venir vendre ses bananes aux abords du consulat. Souvent, elle vient seule, fatiguée, et elle a faim. Je lui achète à manger et elle s'allonge aux abords pour se reposer. Mais elle n'est jamais entrée dans la cour. Et je n'ai jamais introduit une fille à l'intérieur du consulat », s'est-il défendu, rapporte Guinée Matin.

Joint au téléphone par La Presse hier, Alpha Mamadou Diallo a indiqué que le procureur avait demandé un mandat d'arrêt et requis une peine de 20 ans de prison contre Jean Laprade et de 10 ans de prison contre Aliou Sané.

« Le verdict n'a pas encore été rendu, a dit M. Diallo. Il devrait être rendu très prochainement. On attend de voir ce que le juge va décider. »

« PAS MEMBRE DU PERSONNEL »

Jean Laprade a été consul honoraire du Canada en Guinée pendant plusieurs années. Dans un communiqué daté du 21 juin 2012, le Bureau du conseil privé du Canada annonçait qu'il « nomm[ait] de nouveau » Jean Laprade à ce poste « pour une période de trois ans, et fix[ait] ses honoraires [dans l'échelle prévue] (1500 $-5000 $). »

Des documents du gouvernement fédéral américain décrivent Jean Laprade comme un directeur d'Ultragold Holdings LLC, société établie à Denver, au Colorado, qui a été impliquée dans un projet de mine d'or en Guinée. Il n'est pas clair si M. Laprade est toujours associé à la firme Ultragold.

Un consul honoraire est un « représentant spécial » du gouvernement canadien. Le titulaire de ce poste n'est pas « membre du personnel », selon les documents d'Affaires mondiales Canada.

Au moment de publier, Affaires mondiales Canada n'avait pas répondu aux questions de La Presse.