Le ministre des Affaires municipales rappelle à l'ordre le Village de Val-David, dans une décision qui risque d'avoir des répercussions partout au Québec : une municipalité ne peut interdire à ses citoyens d'enregistrer les séances de leur conseil municipal.

Val-David a revu en décembre les règles de fonctionnement de son conseil municipal. Son nouveau règlement interdit aux citoyens d'enregistrer, de filmer ou de prendre des photos lors des rencontres publiques de leurs élus, à moins d'obtenir une autorisation écrite. Seuls les médias sont exemptés de cette interdiction.

Ce règlement a été adopté alors que la municipalité des Laurentides a entrepris d'enregistrer elle-même les séances de son conseil municipal pour les diffuser sur son site internet. Le changement a néanmoins suscité la grogne, si bien qu'une plainte a été déposée auprès du ministère des Affaires municipales.

Dans une lettre envoyée le 13 avril, le commissaire aux plaintes, Richard Villeneuve, prévient que cette interdiction « ne semble pas se conformer » au Code municipal. On y souligne que « la Cour supérieure pourrait éventuellement invalider l'article 52, considérant la nature publique des séances du conseil ». Le Ministère invite donc Val-David à revoir son règlement pour éviter une contestation devant les tribunaux.

Déçu de la décision de Québec, le directeur général de Val-David, Bernard Généreux, a néanmoins indiqué que la municipalité comptait s'y conformer. « On est un peu étonnés, mais on n'ira pas en cour contre la Commission municipale », a-t-il dit.

Bernard Généreux explique que Val-David avait révisé son règlement pour tenter de calmer le ton aux séances du conseil municipal, les rencontres étant souvent houleuses. La décision d'interdire aux citoyens d'enregistrer avait été prise pour assurer le décorum et protéger les citoyens et les fonctionnaires ne souhaitant pas être filmés. « Une séance de conseil, ce n'est pas un cirque ou une foire », dit-il.

Réciprocité

La réponse du commissaire aux plaintes n'étonne pas Danielle Pilette, spécialiste des affaires municipales, qui constate que plusieurs municipalités imposent des règlements restrictifs pour leurs citoyens. « Mais à partir du moment où les gens sont enregistrés, ils peuvent enregistrer. C'est une question de réciprocité », résume la professeure de l'UQAM.

Danielle Pilette souligne que les citoyens de Val-David sont connus pour leur grande mobilisation. En filmant eux-mêmes les séances du conseil municipal, ils s'assurent de conserver des preuves du traitement réservé à leurs interventions.

Val-David avait embauché une avocate spécialisée en affaires municipales pour réviser son règlement. Celle-ci avait souligné en décembre que plusieurs municipalités interdisaient à leurs citoyens de filmer les échanges de leurs élus.

Vérification faite, la Ville de Montréal - qui enregistre et webdiffuse ses séances - interdit aussi aux citoyens d'enregistrer les rencontres. Les règles de régie interne du conseil municipal de Montréal stipulent en effet que « nul ne peut faire usage d'un appareil photographique ou enregistrer par quelque moyen que ce soit les séances du conseil, sans l'autorisation préalable du président ».