Presque toutes les rivières du Québec sont « harnachées » par des barrages et des centrales hydroélectriques. Ces ouvrages d'ingénierie ne pourraient-ils pas empêcher les inondations qui affligent des centaines de riverains lors des crues du printemps ? Les barrages atténuent déjà l'impact de la montée des eaux à la fonte des neiges et lors des grosses averses, répond Hydro-Québec. Mais leur influence sur le débit des cours d'eau est tout de même limitée. Explications.

Hydro-Québec pourrait-elle fermer les vannes de certains barrages, comme celui de Carillon, sur la rivière des Outaouais, en amont de Montréal, pour éviter que l'ouest de l'île soit inondé, comme c'est arrivé hier ?

La centrale de Carillon est une centrale au fil du courant, sans réservoir où accumuler de grandes quantités d'eau. Le débit qui y passe peut être légèrement réduit, pendant quelques heures ou quelques jours. « Mais ces centrales n'aident pas vraiment à contrôler les crues du printemps », explique l'ingénieur Pierre-Marc Rondeau, responsable de la planification de la production chez Hydro-Québec. « Par contre, on peut avoir une certaine influence grâce à nos réservoirs plus au nord, comme le réservoir Baskatong, qui est contrôlé par le barrage Mercier et alimente la rivière Gatineau, un affluent de la rivière des Outaouais. En hiver, on baisse le niveau de nos réservoirs pour faire de la place aux crues printanières, ce qui nous permet actuellement d'accumuler de grandes quantités d'eau et de réduire le débit en aval. » Mais les barrages ne peuvent pas être fermés complètement. « Il faut trouver un juste milieu quant à l'impact qu'aura le débit des rivières à court et moyen terme. Pour le moment, on a encore une petite marge de manoeuvre, mais le réservoir Baskatong se remplit rapidement. »

Quel impact peut avoir ce contrôle sur les réservoirs qui alimentent la rivière des Outaouais et ensuite le fleuve Saint-Laurent ?

« Grâce à nos gros réservoirs dans le bassin de la rivière des Outaouais, on contrôle environ 40 % de l'apport en eau », répond Pierre-Marc Rondeau. Cela signifie que 60 % des précipitations et de l'eau provenant de la fonte des neiges s'écoulent sans entrave jusqu'au fleuve Saint-Laurent. Les mesures qu'Hydro-Québec peut prendre ont donc un impact limité, étant donné le printemps pluvieux que l'on connaît et les grandes quantités de neige accumulée pendant l'hiver. « Les conditions actuelles dans l'archipel de Montréal sont hors normes, souligne M. Rondeau. On n'a pas eu de telles crues depuis les années 70. »

Pourquoi le niveau de l'eau a-t-il monté si vite dans l'ouest de Montréal, dans la nuit de mardi à hier, alors qu'il n'avait pas plu depuis plusieurs heures ?

Après les pluies du début de la semaine, les rivières se sont gonflées au nord, dans le bassin de la rivière des Outaouais. Il peut s'écouler beaucoup de temps avant que cette eau parvienne jusqu'à Montréal. Les vents ont peut-être aussi joué un rôle dans la crue subite qui a pris par surprise de nombreux riverains. « Nos modèles de prévisions nous indiquaient une augmentation rapide du niveau de l'eau tout au long de la semaine et nous avions partagé ces informations avec la sécurité civile », dit M. Rondeau. Impossible, cependant, de prévoir exactement à quel moment les hausses se feraient sentir, et quels secteurs seraient les plus touchés. « Le niveau d'eau sera à la hausse pour les 24 prochaines heures au moins, et il continuera de monter à la suite des précipitations attendues demain et samedi. Les sept à dix prochains jours risquent d'être difficiles pour les riverains. »

Photo David Boily, La Presse

Le barrage de Carillon, sur la rivière des Outaouais, en amont de Montréal