Jamais les expatriés français n'avaient vu pareille situation un jour de scrutin. Samedi, à Montréal, ceux qui voulaient voter ont dû attendre durant plus de deux heures dans une file dépassant un kilomètre. À la fermeture du bureau de vote, à 20 h, 3500 personnes étaient toujours sur place dans l'espoir de se prononcer au premier tour de la présidentielle Française.

« Je pense qu'on en a encore pour 45 minutes d'attente, mais on ne nous a rien dit. J'espère qu'ils ne vont pas nous fermer la porte au nez », a déclaré Marie Dellenson, alors que sa montre indiquait 20 h. La mère de famille patientait depuis déjà une heure et demie avec son conjoint, leur fille de trois ans et son bébé de six semaines dans les bras.

«À 19 h, ils ont fait une annonce disant aux gens qui étaient loin dans la file que ça ne servait à rien de rester parce qu'ils fermeraient la grille à 20h», a rapporté de son côté Jean Lanteri, un militant français membre du groupe d'appui à la candidature de Jean-Luc Mélenchon.

«Il y a des centaines de personnes qui sont parties, a-t-il dénoncé. On a reçu des dizaines de messages de gens qui étaient scandalisés.»

Ajustement de dernière minute

Les portes n'ont finalement pas fermé à 20 h, mais des ajustements de dernière minute ont été nécessaires pour permettre aux gens en file à l'extérieur du terrain du Collège Stanislas, considéré comme le périmètre officiel du bureau de scrutin, de voter.

« L'heure de clôture approchait et on était tenus, légalement, de fermer les portes de l'entrée principale. On avait déjà une dérogation qui nous permettait de prolonger de 19 h à 20 h l'heure de fermeture », a expliqué Michèle-Ann Okolotowicz, chef du Service de presse du Consulat général de France à Québec.  

« On a vu que si on fermait à 20 h, tout le monde de pourrait pas voter. La consule générale de France de Montréal a sollicité une dérogation exceptionnelle. On a étendu le périmètre juridique et physique pour que les personnes [soient dans la zone légale pour] voter. Alors physiquement on les a dirigés vers un deuxième établissement. »

Des gens qui attendaient dans la rue ont été dirigés vers une deuxième cour d'école avoisinante. L'opération était supervisée par le Service de police de la Ville de Montréal qui estimait qu'à 20 h, 3500 personnes étaient toujours dans la file d'attente pour voter.

Participation sans précédent

Il y a cinq ans, environ 44 000 Français étaient inscrits sur la liste électorale du Québec et vingt postes de vote étaient installés au bureau de vote. Cette année, plus de 57 000 Français figuraient à la liste, et seuls quatre postes avaient été ajoutés.

Lors des élections de 2012, le taux de participation au premier tour avait été de 39%. Il faudra attendre à dimanche pour connaître le nombre officiel de cette année. Mais force est de constater que l'issue incertaine de la présidentielle Française a convaincu plus que jamais les Français de faire valoir leur voix.

« Cette année, la situation est ambiguë et floue. Parfois, c'est évident et les gens vont rester chez eux si l'enjeu est connu d'avance », a avancé Michel Paquette, un Français qui a tout de même l'habitude de se déplacer pour se prévaloir de son droit démocratique.

Robert Pajon et son épouse se font aussi un devoir de voter à chacune des élections, et ce, même s'ils vivent au Québec depuis 1953.

« Il va falloir que le Consulat s'organise pour faire ça autrement. Ça n'a pas de sens. Regardez tous ces malheureux qui attendent dans le froid », a déploré Robert Pajon, qui n'a pas hésité à exprimer son mécontentement sur l'attente interminable pour parvenir à la boîte de scrutin.

À quoi s'attendre au deuxième tour ?

Mme Okolotowicz n'était pas en mesure de dire, samedi soir, si des changements seront apportés pour le deuxième tour, alors que le même nombre de Français seront appelés aux urnes dans deux semaines.

« Après chaque scrutin il y a retour d'expérience la consule générale réunie son équipe et voit les points à améliorer. Maintenant, les listes électorales étaient closes au 31 décembre 2016. On a toujours le même nombre de gens, je ne sais pas si juridiquement on peut demander un plus grand monde de bureaux de vote », a-t-elle répondu.

Photomontage La Presse

La file d'attente faisait le tour du collège Stanislas, à Outremont, avant de zigzaguer jusqu'à l'entrée, vers 13h15.