Loto-Québec a amorcé, la semaine dernière, son plan pour diminuer le nombre d'appareils de loterie vidéo (ALV) à travers le Québec, tel qu'exigé par le gouvernement, en lançant un programme de retrait volontaire avec compensation, a appris La Presse.

Dans une lettre destinée aux propriétaires de bars situés dans des «secteurs ciblés», la Société des établissements de jeux du Québec (SEJQ) - filiale de Loto-Québec qui gère le réseau de loterie vidéo - invite les tenanciers à se prévaloir du programme avant que ne tombe le couperet. L'offre est simple : remettre la totalité des ALV d'ici 90 jours et encaisser, en contrepartie, une compensation. Sinon, Loto-Québec procédera à un «retrait paramétrique des ALV moyennant compensation».

Dans les deux cas, la compensation financière correspondra à la commission reçue au cours des 12 derniers mois.

À l'heure actuelle, les propriétaires reçoivent une commission de 22% des revenus générés par les appareils de loterie vidéo dans leur bar; la moyenne annuelle est de 17 000 $/ALV.

Des rencontres et une lettre

Chez Loto-Québec, on précise que des rencontres ont été tenues avec les tenanciers de bars situés dans les secteurs ciblés et que l'envoi d'une première lettre d'information a commencé le 14 mars. L'opération se déroulera jusqu'à demain, mercredi.

Les tenanciers de bars ont trois mois pour se prévaloir du programme. Au-delà de ce délai, «le retrait paramétrique sera réalisé en retirant de tous les sites des secteurs ciblés, au prorata, le nombre d'ALV requis pour atteindre l'objectif», écrit le directeur des opérations commerciales de la SEJQ, Éric Saulnier.

Par hypothèse, s'il devait y avoir 10 ALV de trop dans un secteur qui compte 10 bars et qu'aucun d'eux n'a souhaité se défaire d'appareils dans le cadre du programme de retrait volontaire, Loto-Québec pourrait retirer un appareil dans chacun de ces 10 bars.

Normes non respectées

Seuls les bars de certains secteurs sont visés par le «Plan d'action de Loto-Québec visant à resserrer l'encadrement des appareils de loterie vidéo (ALV) sur le territoire québécois et à en diminuer le nombre». Il s'agit de secteurs où Loto-Québec ne respecte pas ses propres critères socioéconomiques : un maximum de 2 établissements exploitants des ALV par 5000 habitants et un maximum de 2 ALV par tranche de 1000 habitants.

Quels sont ces secteurs problématiques et combien de tenanciers de bars ont été sollicités? Loto-Québec a refusé d'apporter ces précisions. «Cette information fait partie de la gestion interne du dossier», a indiqué Patrice Lavoie, porte-parole de la société d'État.

Certains tenanciers contactés, qui ont souhaité ne pas être identifiés afin d'éviter d'éventuelles représailles commerciales, estiment qu'il s'agit d'un manque de transparence empêchant d'évaluer les choix de Loto-Québec qui «demeure en contrôle des frontières des secteurs ciblés».

Dans une enquête publiée l'automne dernier, La Presse avait notamment démontré que la concentration d'appareils est jusqu'à trois fois plus importante dans 48 municipalités et arrondissements du Québec. Par exemple, le ratio est largement dépassé dans le quartier Pont-Viau, à Laval (5,3 ALV/1000 habitants), à Richelieu, en Montérégie (4,3 ALV/1000 habitants) et au centre-ville de Montréal (4,0 ALV/1000 habitants). Mais le phénomène n'est pas que métropolitain. Il s'étend à travers tout le Québec : Sainte-Agathe, Rivière-du-Loup, Joliette et plusieurs villes de l'Abitibi sont également touchées.

C'est à la suite de l'enquête de La Presse que le gouvernement Couillard a décidé de retirer 1000 ALV de son réseau - qui en compte 11 600 - sur deux ans. Un plan d'action a été rendu public quelques jours avant Noël.

En janvier dernier, la Direction de la santé publique de Montréal a publié les résultats d'une recherche permettant de cartographier les secteurs présentant une grande concentration de risque à cause de la présence d'appareils de loterie vidéo. 

Les résidants des quartiers Parc-Extension, La Petite-Patrie, Saint-Michel, Centre-Sud, Hochelaga-Maisonneuve et Pointe-Saint-Charles sont six fois plus exposés aux ALV que les autres Montréalais. Une recherche de même nature, mais pour l'ensemble de la province, vient d'être entreprise par l'Institut de la santé publique du Québec.