Alors qu'on annonce une baisse de prix bienvenue pour plusieurs aliments, celui des produits de la mer du Québec sont à la hausse, ont noté de nombreux consommateurs en faisant leurs emplettes des Fêtes. La saison 2016 a pourtant été excellente pour la plupart des pêcheurs du Québec. Comment expliquer cette flambée des prix?

NOS FRUITS DE MER SONT POPULAIRES 

C'est en partie une bonne nouvelle qui est derrière cette hausse du prix des poissons et fruits de mer québécois. « Tous les produits du golfe du Saint-Laurent sont en demande », explique André Boucher, de l'Office des pêcheurs du flétan du Groenland et du Regroupement des pêcheurs du nord de la Gaspésie. « Cette forte demande vient surtout de la part des Asiatiques et des Américains, donc le prix augmente ici », poursuit M. Boucher. Sur le marché intérieur, les grossistes vont demander un prix équivalent à ce qu'ils obtiennent à l'étranger.

L'OUVERTURE DE L'EUROPE 

« Nos produits de la mer sont une goutte d'eau dans l'océan. Nous sommes tributaires des prix internationaux ainsi que de l'offre et la demande », explique André-Pierre Rossignol, du groupe Gimxport, qui explore des marchés internationaux pour les crustacés d'ici. L'exercice est essentiel, dit-il, le Québec produisant beaucoup plus qu'il ne consomme. En 2017, le traité de libre-échange avec l'Europe (AECG) donnera un meilleur accès à ce marché qui choisit avec soin ses fruits de mer. « Nous ne vendons pas de la quantité ou des prix, précise M. Rossignol, nous vendons de la qualité. »

DES PRODUITS HAUT DE GAMME 

« Personnellement, je trouve que c'est normal qu'on paye le juste prix pour les produits de la pêche d'ici », estime Sandra Gauthier, directrice générale d'Exploramer, de Sainte-Anne-des-Monts, qui fait la promotion des produits locaux. « Ce sont les meilleurs, tranche-t-elle. Les poissons d'eau froide sont de grande qualité. Le homard canadien a excellente réputation partout dans le monde. On ne peut pas comparer la baudroie du Saint-Laurent à un tilapia importé. On ne parle tout simplement pas de la même chose. Puis, on ne veut pas de la main-d'oeuvre bon marché dans la pêche ici. »

PLUS DE POISSONS LOCAUX SUR LA TABLE 

La directrice d'Exploramer souhaite néanmoins qu'on conserve plus de produits locaux ici. « Certaines pêches sont totalement destinées à l'exportation, explique Sandra Gauthier, comme le crabe commun, l'oursin et les couteaux. Les Québécois n'en profitent pas. C'est totalement exporté en Asie, en Europe et aux États-Unis. Il faut s'assurer qu'on conserve une partie de cette pêche-là, et il faut que les consommateurs l'achètent. » Pour commencer, il faudrait remplacer la couronne de crevettes tigrées par une couronne de crevettes nordiques, conseille Mme Gauthier.

QUE PÊCHE-T-ON? 

Le crabe des neiges, le homard et la crevette nordique constituent environ 85 % des débarquements du Québec. En quantité, c'est la crevette qui domine ; en valeur, le crabe des neiges est numéro un. Le flétan du Groenland, communément appelé turbot, le flétan de l'Atlantique et la morue complètent le tableau des principales pêches commerciales en eau salée. En un an, leur prix au détail a augmenté de 10 à 25 %, évaluent les spécialistes. Bonne nouvelle : en 2017, le prix de la crevette pourrait diminuer un peu, les stocks étant très hauts. Le prix du homard pourrait aussi être à la baisse, la pêche américaine étant faste.

DEMANDE EN HAUSSE ICI 

« On a longtemps vendu moins de poisson ici, simplement parce que la demande était moins élevée que sur le marché international », explique Jean-Paul Gagné, directeur de l'Association québécoise de l'industrie de la pêche. Les choses changent, tranquillement. La consommation de poisson augmente, et la façon dont il est traité dans les commerces aussi. « Aujourd'hui, vous regardez les comptoirs des poissonneries des épiceries et c'est beau, dit Jean-Paul Gagné. Il y a eu beaucoup d'efforts faits par tout le monde. Les pêcheurs, les transformateurs et les détaillants. » Et les prix ? « Les prix ont rejoint ceux des marchés internationaux », confirme-t-il.

CHANGEMENT DE RECETTES 

Pour certains consommateurs, cette hausse est néanmoins intenable. Et que font-ils ? Ils changent leurs habitudes, explique Cyrice Vigneau, du Poisson d'or, rue Saint-Jean à Québec. Si le saumon des Maritimes est trop cher, ils vont être tentés d'essayer le maquereau du Maine à 9 $ le kilo, explique ce poissonnier d'expérience, issu d'une famille de pêcheurs madelinots. M. Vigneau fait la promotion de produits de la mer du Canada, des États américains voisins et du Québec, bien sûr. Dans son inventaire : le phoque, un délice à apprivoiser et à chasser davantage. « La gestion du loup marin est un gros problème, dit-il. C'est ce qui empêche les stocks de poissons de se développer. »

HAUSSE DES EXPORTATIONS ET DES IMPORTATIONS 

On exporte 90 % du crabe des neiges pêché au Québec, et les exportations sont en hausse depuis cinq ans. Celles de homard, depuis trois ans. Nos fruits de mer partent principalement pour les États-Unis (80 %), ce qui explique que le taux de change joue aussi un grand rôle dans la fluctuation du prix des fruits de mer. Les trois principales destinations outre-mer de nos produits marins sont le Japon, le Viêtnam et la Chine. Nos importations sont aussi en hausse, surtout celles de crevettes tigrées et de saumon.

Photo Mathieu Waddell, archives La Presse

Le flétan du Groenland, communément appelé turbot, le flétan de l'Atlantique et la morue font partie des principales pêches commerciales en eau salée.