Un millier d'appareils de loterie vidéo (ALV) en moins dans les zones défavorisées, des inspections plus fréquentes dans les bars et les restaurants et des punitions plus dures contre les tenanciers qui bafouent les règles censées protéger les joueurs. Hier, les experts en santé publique ont applaudi à ces mesures, confirmées en après-midi par le ministre des Finances peu après avoir été annoncées dans La Presse.

« On n'avait encore jamais reçu du gouvernement une annonce aussi concrète, promettant de réduire l'offre dans des quartiers vulnérables, même si cela entraîne une baisse de revenus », souligne Jean-François Biron, chercheur à la Direction de la santé publique (DSP) de Montréal.

D'autres DSP, dont celle de la Capitale-Nationale, et l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) réclamaient depuis quelques années qu'on redresse ainsi la barre. En vain. Cet automne, Loto-Québec comptait plutôt profiter de la nouvelle loi 74 pour augmenter le nombre d'ALV par bar. 

Aussitôt talonné par l'opposition, à la suite d'une longue enquête de La Presse, le gouvernement a rencontré la société d'État, forcée de lancer un blitz d'inspections avant même de proposer les correctifs annoncés hier. Le « Plan de reconfiguration du réseau des ALV » lui demande maintenant d'être « plus proactive par rapport aux manquements observés chez certains détaillants [souvent multirécidivistes, selon notre enquête], afin de corriger le plus rapidement possible les écarts de conduite ».

Il demande aussi d'exiger l'installation d'un système de caméras dans les bars dotés d'ALV et de contrôler l'âge des clients semblant avoir moins de 26 ans.

NOUVEAUTÉS

Loto-Québec devra commencer par respecter ses propres critères socioéconomiques, ce qui n'était pas le cas dans des zones « à forte concentration d'appareils », où vit généralement une clientèle plus vulnérable. Environ 1100 ALV en seront retirés d'ici deux ans. Il en restera ensuite moins de 10 000.

Québec compte solliciter des experts pour effectuer un « examen approfondi » des critères en vigueur. À la mi-janvier, la DSP de Montréal dévoilera justement de nouvelles données très précises, susceptibles d'éclairer les autorités, tandis que l'INSPQ s'apprête à faire le même exercice à l'échelle du Québec.

Autre changement : les tenanciers ne pourront plus installer de guichets automatiques visibles des aires de jeu, sous peine de perdre leurs appareils. « Les guichets permettent d'utiliser les cartes de crédit, ce qui n'est pas compatible avec la notion de jeu responsable », souligne Élisabeth Papineau, de l'INSPQ.

« Plus on les éloigne, plus on donne la chance à certains joueurs de sortir de cet état hypnotique qui les empêche d'anticiper les conséquences », renchérit la professeure de psychologie Louise Nadeau, auteure d'importantes études sur le jeu.

BÉMOLS

Même si la DSP de la Capitale-Nationale se réjouit des changements à venir, elle déplore que le plan ne concerne pas les ALV situés dans les salons de jeu de Loto-Québec. « Celui de la ville de Québec se trouve dans une zone de haute vulnérabilité, là où les conséquences du jeu sont les plus négatives », souligne l'agente de planification Valérie Houle.

Le gouvernement est aussi resté muet au sujet du danger intrinsèque des ALV, qualifiés par les chercheurs de morphine ou de crack électronique, entre autres parce qu'ils sont programmés pour maquiller des pertes en gains. « Si on dit que le jeu doit rester un jeu, ces machines devraient être programmées comme tel, et non pour leurrer le cerveau », plaide Louise Nadeau.