L'engorgement des tribunaux, un phénomène bien connu dans les causes criminelles et contre lequel s'est mobilisé l'ensemble du milieu judiciaire, gagnera bientôt une série d'autres tribunaux en raison de la grève des avocats et notaires de l'État québécois.

Des informations obtenues par La Presse canadienne de source syndicale font état de plus d'un millier de causes devant les tribunaux qui ont été reportées depuis le début de la grève déclenchée le 24 octobre, soit il y a deux semaines.

«On plaide pour tous les ministères», a expliqué le porte-parole du syndicat Les avocats et notaires de l'État québécois (LANEQ), Me François Desroches-Lapointe, alors que quelque 300 juristes en grève manifestaient devant le palais de justice de Montréal, lundi.

«Nous sommes impliqués dans les causes qui touchent les différents régimes d'indemnisation publique, les poursuites que le gouvernement intente pour récupérer des sommes lorsqu'il y a fraude, les contrats non respectés, etc. Nous défendons aussi le gouvernement lorsqu'il est poursuivi, lorsque les lois sont attaquées», a expliqué Me Desroches-Lapointe.

Les juristes de l'État doivent assurer les services essentiels durant la grève, mais dans le cas des causes qui doivent être plaidées, les services essentiels consistent dans la plupart des cas à se présenter devant le tribunal et à demander un report de la cause, puisque le juriste en grève n'a pu y consacrer le temps requis.

Ces reports systématiques permettent déjà d'entrevoir un goulot d'étranglement dans plusieurs tribunaux civils et administratifs lorsque la grève sera terminée.

La paralysie actuelle de ces tribunaux s'ajoute à celle du fonctionnement de plusieurs composantes de l'appareil législatif; déjà la semaine dernière, LANEQ faisait état de près d'une centaine de projets de loi et de règlements qui avaient été mis sur la glace en raison de la grève.

Parmi les dossiers politiques paralysés, on note des projets de loi ou de règlements aux ministères de la Santé, de l'Éducation, de l'Environnement, des Affaires municipales ou des Finances, entre autres. Devant les tribunaux, le goulot touche des centaines de poursuites entamées par Revenu Québec et des dossiers transmis à la Sûreté du Québec.

Par ailleurs, le syndicat signale que plus d'une douzaine d'enquêtes devant la Commission municipale, une trentaine de dossiers au bureau du Commissaire à la lutte contre la corruption et les interventions du Curateur public pour faire cesser l'abus financier ou la négligence contre une personne inapte sont tous paralysés, pour ne nommer que ceux-là.

Les quelque 1100 avocats et notaires de l'État sont sans contrat de travail depuis le 31 mars 2015.

Le litige porte notamment sur la demande des juristes de créer un mécanisme de résolution de différends pour éviter les conflits de travail, à l'instar de ce qui existe dans plusieurs autres provinces, notamment l'Ontario et la Colombie-Britannique.

«On ne souhaite pas être en situation de conflit avec le gouvernement aux trois ou quatre ans, à chaque fois qu'il y a un renouvellement de convention collective», a expliqué Me Desroches-Lapointe.

Les dernières rencontres formelles entre le ministre des Finances, Carlos Leitao, et les représentants des juristes ont eu lieu en juillet dernier et s'étaient soldées par l'échec de la médiation.

Des pourparlers informels avaient été entamés peu avant le déclenchement de la grève, pourparlers au cours desquels la partie patronale avait promis, selon le syndicat, un retour rapide à la table des négociations, mais celui-ci se fait toujours attendre.

«Le gouvernement manque carrément de sérieux. (...) Ça fait 16 jours et on attend toujours, a déploré le porte-parole syndical. On nous avait promis un retour à la table très rapidement: c'était peut-être des paroles en l'air.»