Une Canadienne qui était infectée par le Zika a obtenu, il y a quelques semaines, un avortement alors que rien n'indiquait que le foetus qu'elle portait était infecté ou présentait des malformations congénitales, témoignant du difficile dilemme auquel font face les femmes enceintes touchées par le virus.

Selon les informations recueillies par La Presse, la femme en question a été contaminée lors d'un voyage à l'étranger. Elle a été informée de son infection alors qu'elle en était à une vingtaine de semaines de grossesse et n'a pas voulu pousser plus loin les analyses, de crainte de se retrouver avec un enfant malade. Il s'agissait d'une grossesse désirée, rendant la décision encore plus difficile.

L'Agence de la santé publique du Canada (ASPC) comptabilise publiquement le nombre de cas de femmes enceintes chez qui on a diagnostiqué le Zika, mais elle refuse de préciser dans quelle province elles sont établies pour « protéger la vie privée » des personnes concernées.

L'organisation n'aborde pas non plus, en invoquant la même raison, le dénouement des grossesses des femmes infectées. Aucun cas d'avortement lié au Zika n'a donc été officiellement signalé par les autorités sanitaires à ce jour.

L'ASPC a rapporté à la mi-août pour la première fois que le foetus d'une femme canadienne était atteint de « graves anomalies neurologiques congénitales », mais n'a pas précisé si la femme entendait ou non procéder à une interruption de grossesse.

Un autre cas de transmission du Zika d'une femme enceinte à son foetus a été signalé au Québec. Dans ce cas, un médecin a déclaré que la mère avait donné naissance à un enfant en santé.

Quatorze femmes enceintes ont reçu un diagnostic de Zika au Canada à ce jour, ce qui comprend les deux cas précités où il y a eu transmission au foetus. Un troisième cas de transmission de ce type avait été signalé le mois dernier, mais une étude plus approfondie a révélé que ce n'est pas ce virus qui était en cause, témoignant de la complexité du processus.

DISCRÉTION

Le ministère de la Santé du Québec se montre encore plus discret, se bornant à relever publiquement le nombre de cas confirmés d'infection au Zika sans préciser s'il s'agit d'hommes, de femmes ou de femmes enceintes. Des questions de confidentialité sont également invoquées pour expliquer cette réserve.

Les Centers for Disease Control and Prevention américains (CDC) relaient de leur côté des renseignements au sujet du nombre d'enfants nés avec des malformations congénitales liées au Zika. Ils précisent par ailleurs combien de grossesses où les foetus présentaient des malformations liées au virus ont été interrompues avant terme, que ce soit en raison d'une fausse couche ou d'un avortement.

La prise de décision pour les femmes chez qui on diagnostique le Zika est rendue extrêmement complexe par les renseignements parcellaires dont disposent chercheurs et praticiens à ce stade.

Les risques d'infection du foetus d'une femme enceinte touchée par le virus sont incertains, tout comme les risques de malformations pouvant survenir chez un foetus infecté. Le Zika est lié notamment à la microcéphalie, affection où le bébé présente une tête anormalement petite.

Le temps requis pour confirmer l'infection, tant chez la femme enceinte que chez le foetus, fait en sorte qu'une décision d'interrompre la grossesse peut survenir alors que la gestation est très avancée, compliquant le processus.

INFORMATIONS INCOMPLÈTES

Le Dr Antoine Payot, néonatalogiste qui dirige l'unité d'éthique clinique de l'hôpital Sainte-Justine, note qu'il n'est pas rare aujourd'hui, pour une gamme d'affections, que la décision de poursuivre ou non une grossesse doive être prise sur la base d'informations incomplètes ou de probabilités plutôt que de certitudes.

Dans les cas où l'infection du foetus par le Zika est confirmée et que des malformations sont décelées, le protocole en place au sein de l'établissement - désigné comme le centre de référence au Québec pour ce type de cas - prévoit qu'un comité pluridisciplinaire sera saisi.

Sa tâche, note le Dr Payot, est d'abord de déterminer avec le plus de précision possible les conséquences du diagnostic, de manière à permettre à la femme ou au couple concerné de décider de la poursuite ou non de la grossesse et d'envisager toutes les avenues possibles.

L'absence de malformations graves ou d'un diagnostic létal peut amener certains praticiens à se montrer réticents, pour des raisons éthiques ou morales, à procéder à un avortement tardif, même si la loi canadienne ne prévoit aucune restriction temporelle à ce sujet.

Dans un tel cas, le médecin soignant a l'obligation, note le Dr Payot, d'orienter la patiente ailleurs de manière à assurer l'accès à l'avortement.

Il arrive, dit-il, que des médecins préfèrent faire fi de leurs propres réserves et pratiquent une intervention qu'ils jugent éthiquement problématique pour éviter « la souffrance imposée à une patiente qu'on enverrait d'un établissement à l'autre ».