Le gouvernement Couillard va demander à Loto-Québec de modifier sa réglementation pour qu'on ne trouve plus de guichets automatiques à proximité des appareils de loterie vidéo. Les distributeurs de billets seront à tout le moins proscrits dans la salle où se trouvent les joueurs.

Et on pourrait même étendre cette interdiction à l'ensemble du commerce où se trouvent les appareils de jeu. « L'intention ferme est là », reste à voir si ce sera pour la salle dans laquelle trouvent les appareils ou pour l'ensemble de l'établissement. Selon le règlement actuel de Loto-Québec, la seule contrainte concernant l'emplacement des guichets automatiques est que le joueur ne doit pas pouvoir les utiliser sans se lever de son siège devant l'appareil de loterie vidéo.

Des sources gouvernementales ont indiqué à La Presse que le ministère des Finances discuterait rapidement avec la Direction de santé publique pour qu'on réduise le nombre d'appareils - on en compte actuellement 11 600, et on viserait plutôt 10 000. Québec doit trouver un équilibre délicat entre la réduction de l'offre de jeu et le risque de voir ces activités réapparaître sous l'aile du crime organisé, comme c'était le cas avant que Loto-Québec ne prenne le contrôle de cette activité, en 1994, dès l'arrivée au pouvoir de Jacques Parizeau.

Dans son budget de 2014, avant les élections, le ministre péquiste Nicolas Marceau avait prévu que Loto-Québec pourrait augmenter le nombre d'appareils de loterie vidéo au-delà de la limite de cinq par établissement. Auparavant, comme ministre des Finances sous Bernard Landry, Pauline Marois avait réduit de 15 300 à 14 300 le nombre d'appareils. Par la suite, en 2004, le gouvernement Charest avait réduit ce nombre à 12 000.

Plus tôt hier, le premier ministre Couillard avait annoncé que les 375 appareils de loterie vidéo « inactifs » détenus par Loto-Québec ne seraient finalement pas redistribués dans les bars. 

« Ils vont rester dans l'entrepôt, et il y aura des toiles d'araignée dessus. » - Philippe Couillard

« Troublé » par les révélations de La Presse, le ministre des Finances, Carlos Leitao, a demandé de son côté à Loto-Québec et à la Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ) de faire respecter les normes sur les appareils de loterie vidéo (ALV). Il se dit « surpris » que des guichets automatiques se retrouvent juste à côté des ALV, en violation des règles.

« C'est très troublant. Il faut tout à fait mettre fin à ça », a-t-il affirmé lors d'une mêlée de presse, en marge d'une réunion du caucus libéral. Il compte « s'assurer que tant Loto-Québec que la RACJ, avec mon collègue de la Sécurité publique, se mettent à l'oeuvre pour que les règles existantes soient suivies ». Il déplore également que des simulacres de commerce, sans verres ou caisse enregistreuse, puissent détenir des ALV.

« Et aussi, on va s'engager, dans chaque endroit où il y a des machines présentement, à ce que ça n'augmente pas », a-t-il ajouté. « Il n'y aura pas d'augmentation de machines par établissement. »

QUARTIERS DÉFAVORISÉS

La nouvelle loi abolit la limite de cinq ALV par permis. 

« Un certain nombre d'établissements multipliaient le nombre de permis pour avoir plus de machines. Avec la loi, il y aura un permis unique par établissement pour contrer ces manoeuvres. » - Carlos Leitao, ministre des Finances

Loto-Québec comptait sur la nouvelle loi pour redistribuer plus facilement les 375 ALV inactifs depuis un an. Il n'y avait pas de bars pouvant les prendre en raison de la limite de cinq ALV par permis. Mais Philippe Couillard a finalement coupé court aux ambitions de la société d'État. 

« Personne n'est à l'aise, en passant, avec le fait que l'État soit dans le domaine du jeu, a ajouté le premier ministre. Mais la véritable question que se posent tous les gouvernements depuis plusieurs décennies, c'est que si ce n'est pas l'État, ce sera qui ? Donc, c'est ça, la véritable question. Donc, il est préférable, même si ce n'est pas idéal, que l'État conserve un rôle important dans ce domaine de l'activité humaine, qui ne disparaîtra pas. »

François Legault a réclamé de son côté que 1600 ALV soient retirés du marché. Ces machines sont responsables de « drames humains », alors que « des pères et des mères de famille vont se ruiner », a-t-il déploré.

Selon le député péquiste Jean-François Lisée, le reportage de La Presse démontre que « c'est le Far West », que les autorités font preuve « d'aveuglement volontaire ».

Le député de Québec solidaire Amir Khadir a rappelé que l'État tire des centaines de millions en revenus des ALV. En guise de comparaison, a-t-il dit, les redevances de toutes les mines du Québec ont totalisé 300 millions en 10 ans.

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Moins de « shérifs » à la RACJ


Il n'y a plus que six inspecteurs à la Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ) pour veiller au respect des normes, entre autres sur les appareils de loterie vidéo. Leur nombre a diminué de 25 % depuis 2014, dénonce le Syndicat de la fonction publique (SFPQ). Il y en avait huit cette année-là. L'effectif total de la RACJ a fondu de 20 % depuis l'arrivée au pouvoir du gouvernement Couillard, passant de 137 à 110, sur la base du nombre de cotisants au SFPQ. « On a six inspecteurs pour l'ensemble du Québec. Comment peut-on s'assurer que tout est respecté par tous les établissements ? C'est impossible. Ça va prendre plus de shérifs pour faire appliquer la loi correctement », soutient le président du SFPQ, Christian Daigle. Il relève que dans un rapport rendu public en 2014, la Direction de santé publique de la Capitale-Nationale recommandait au gouvernement « d'accroître la capacité de la RACJ à effectuer des inspections et à ordonner des sanctions lors du non-respect des règlements par les établissements détenteurs d'une licence de loterie vidéo ».

- Avec la collaboration de Martin Croteau