Comment un suspect de terrorisme a-t-il pu se retrouver à côté de Justin Trudeau ? Et comment un autre a-t-il eu le droit de conserver son permis d'armes ? Qui surveille les Canadiens faisant l'objet d'une enquête pour sécurité nationale ? Est-ce que les différents corps de police se parlent ? Explications.

PEUT-ON SURVEILLER TOUT LE MONDE?

« Ce n'est pas réaliste » de surveiller tous les suspects de terrorisme au Canada, estime Paul Laurier, ancien enquêteur antiterroriste à la Sûreté du Québec, et ex-membre de l'Équipe intégrée de la sécurité nationale de la GRC. Le sous-commissaire de la GRC Mike Cabana a d'ailleurs admis cet été lors d'une conférence de presse que « l'habileté [de ses troupes] de surveiller tout le monde 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, n'existe pas ».

Il a fait cette déclaration après la mort d'Aaron Driver, qui s'apprêtait à commettre un attentat terroriste sur le sol canadien. L'homme était dans la ligne de mire de la GRC, mais il aura fallu que le FBI sonne l'alarme pour que les autorités canadiennes le stoppent à temps.

La solution ? Miser sur la communauté.

« La police compte sur un réseau de sources humaines proches de ces gens. Tu ne peux pas surveiller toutes ces personnes 24 heures sur 24, mais tu peux avoir des gens qui te donnent de l'information sur ce qui se passe », dit Paul Laurier.

QUI FAIT QUOI?

Est-ce que les différents corps de police se parlent ? Le fait que Samy Nefkha-Bahri ait pu acheter des armes même s'il était suspecté de terrorisme montre les limites du partage d'information. Qui fait quoi ?

La GRC est responsable de la sécurité du premier ministre du Canada.

L'Équipe intégrée de la sécurité nationale pilotée par la GRC mène les enquêtes liées au terrorisme.

Le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) ne fait pas d'enquêtes criminelles, mais collecte de l'information pour le gouvernement sur les menaces à la sécurité nationale. Normalement, note Paul Laurier, « les autorités fédérales s'échangent les renseignements ».

Au Québec, le contrôleur des armes à feu relève de la SQ, qui ne détient pas la cote « top secret » et n'a donc pas « accès à tout », dit Paul Laurier. Des policiers de la SQ sont parfois prêtés à la GRC pour collaborer aux enquêtes.

QUELLE EST L'IMPLICATION DES PROVINCES?

En mars 2015, trois ministres québécois ont demandé au gouvernement conservateur de l'époque une plus grande collaboration entre Ottawa et les provinces en matière de terrorisme, alors que le parti de Stephen Harper s'apprêtait à adopter de nouvelles dispositions à la loi antiterroriste. Québec déplorait notamment que les provinces et territoires n'eussent pas été consultés dans la préparation du projet de loi.

« La lutte au terrorisme est un combat de tous les instants qui doit évoluer en fonction des nouvelles menaces auxquelles nous faisons face. La collaboration de tous les intervenants est essentielle », ont écrit les ministres Lise Thériault, Stéphanie Vallée et Jean-Marc Fournier.

QUELS RISQUES POSENT LES VOYAGEURS EXTRÉMISTES?

Le gouvernement canadien éprouve de « sérieuses inquiétudes » au sujet des « voyageurs extrémistes » revenus au pays après avoir séjourné dans des zones de conflit, selon le Rapport public de 2016 sur la menace terroriste publié par le ministère de la Sécurité publique en août.

« Ils peuvent posséder des habiletés, de l'expérience et des liens acquis à l'étranger qui pourraient servir à recruter ou à inspirer d'autres personnes au Canada. Ils peuvent aussi mener des activités de financement du terrorisme, aider d'autres individus à voyager ou même planifier des attentats au Canada. Les attentats que Daesh [le groupe État islamique] a instigués à Paris et à Bruxelles en sont des exemples. La majorité des auteurs de ces attentats étaient des voyageurs extrémistes de retour dans ces pays et liés à Daesh », affirme le rapport.

Le document rappelle qu'à la fin de l'année 2015, le gouvernement savait qu'environ 180 Canadiens étaient à l'étranger et soupçonnés de se livrer à des activités terroristes, principalement en Turquie, en Syrie et en Irak. À la même époque, les autorités étaient au courant qu'environ 60 « voyageurs extrémistes » étaient de retour au pays.