Un mineur qui siégeait à titre d'expert sur un comité gouvernemental chargé de la révision des règles de sécurité dans les mines vient d'être suspendu par son employeur, parce qu'il aurait critiqué le bilan de l'entreprise pendant les travaux consultatifs.

André Racicot, président du syndicat des employés de la mine Westwood, en Abitibi, siège depuis presque 20 ans au comité de travail de la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST, anciennement la CSST) chargé de réviser les règles de sécurité dans les mines à ciel ouvert et de suggérer, au besoin, des mises à jour au Conseil des ministres.

Le comité regroupe des représentants des associations de travailleurs, comme lui, des représentants des sociétés minières et des fonctionnaires. « On fait des recommandations consensuelles, je dirais que 98 % du temps on s'entend tous ensembles », explique-t-il.

DISCUSSIONS SUR LA SÉCURITÉ

Lors d'une discussion à bâtons rompus pendant leur réunion de cette semaine, les membres auraient abordé le cas de l'employeur de M. Racicot, blâmé par la CNESST récemment à la suite d'un accident de travail qui avait laissé neuf mineurs coincés pendant 18 heures sous terre. M. Racicot n'a pas voulu répéter à La Presse les propos tenus en comité, mais il reconnaît que la question de la sécurité à la mine Westwood faisait partie du débat, comme c'est le cas d'autres mines.

Jeudi, il a reçu une lettre de l'entreprise torontoise IAMGOLD, propriétaire de la mine Westwood, qui lui annonçait qu'il était suspendu (avec salaire) afin que la direction complète une enquête sur « les propos erronés » qu'il aurait tenus à la réunion du comité gouvernemental.

« Vu la gravité des conséquences pouvant découler d'une telle affirmation, vous comprendrez qu'il nous faut obtenir les informations requises pour pouvoir prendre une décision éclairée », lui indique la directrice des ressources humaines, Isabelle Labrie.

M. Racicot se dit surpris. « J'espère pouvoir m'expliquer. Mon but n'était certainement pas de dénigrer l'employeur, mais notre travail est de réduire les risques d'accident. On aborde certains items, c'est une discussion qu'on a souvent et il n'y a jamais eu de controverse là », s'étonne-t-il.

« On est en train de brimer le droit de parole des gens qui participent à ce comité », déplore Alain Croteau, directeur québécois du syndicat des métallos.

« M. Racicot avait émis ces commentaires de bonne foi. C'est une sommité au Québec, même les chercheurs de l'Institut de recherche en santé et sécurité le consultent pour leurs recherches. L'employeur devrait plutôt l'écouter », dit-il.

CONSTAT D'INFRACTION

La direction réplique que l'employé conserve son salaire pendant sa suspension et que la mesure était nécessaire « pour nous permettre de vérifier les informations afin de prendre la meilleure décision », selon Isabelle Labrie.

« Il semble qu'une information aurait été dite qui serait erronée », insiste-t-elle.

À la CNESST, le porte-parole Pierre Turgeon affirme que l'organisme ne se mêlera pas du dossier. « La loi ne prévoit pas de mesures de protection comme telles pour les représentants qui siègent sur les comités règlementaires », dit-il.

L'intervention de IAMGOLD survient peu après la publication d'un rapport de la CNESST qui montrait du doigt des lacunes au sein de l'entreprise ayant contribué à l'effondrement qui avait emprisonné plusieurs mineurs sous terre en 2015. Le rapport dévoilé en mars parlait de plans et devis rédigés à partir de données incomplètes.

IAMGOLD avait écopé d'un constat d'infraction de la CNESST pour cet accident, qui n'était pas le premier à survenir dans ses installations. L'entreprise s'était dite en désaccord avec les conclusions des autorités.