Dix ans jour pour jour après la fusillade mortelle survenue au Collège Dawson de Montréal, beaucoup de questions ont surgi avec le même objectif : s'assurer que pareille tragédie ne se reproduise plus jamais dans une école. Le 13 septembre 2006, Kimveer Gill a abattu une étudiante, Anastasia De Sousa, et a blessé 16 personnes avant de retourner son arme contre lui.

Parmi ceux qui ont contribué à fournir des réponses se trouve le coroner Jacques Ramsay qui a écrit en 2008 un rapport en se penchant sur divers aspects de l'événement : l'intervention des policiers, l'accès aux armes à feu et le dépistage des personnes en proie au désespoir.

Mais ses recommandations ont-elles été suivies ?

Voici un résumé de ce qui a été accompli ou pas depuis 2006.

Recommandation : une meilleure formation pour la police et des armes plus précises

Le coroner Ramsay recommandait au Service de police de la ville de Montréal (SPVM) d'étudier à fond l'opération qui s'est déroulée au Collège Dawson en 2006 afin d'améliorer sa préparation pour des déploiements majeurs sur le terrain.

Il recommandait au SPVM d'étudier la possibilité de doter chaque poste de quartier d'une ou deux armes longues que des patrouilleurs pourraient rapidement utiliser.

Pour neutraliser un tueur comme Kimveer Gill, les policiers du SPVM n'ont pour arme que leur pistolet, note le coroner. Or, poursuit-il, si le pistolet convient pour une cible relativement proche, il perd considérablement de sa précision au fur et à mesure que l'on s'éloigne. Le policier doit souvent s'approcher, au péril de sa vie, pour augmenter ses chances d'atteindre sa cible, alors que le tireur est souvent mieux armé. Ce jour-là, l'agent Marco Barcarolo tente d'atteindre le tueur, qui se trouve à 25 mètres, avec son arme de poing. « À ce jour, l'agent est convaincu qu'il aurait atteint sa cible s'il avait eu en sa possession une arme permettant une plus grande précision », est-il écrit dans le rapport.

Résultat: Depuis 2006, et même avant, le SPVM s'est assuré que tous ses policiers reçoivent la formation en déploiement rapide - une formation à découvert qui est très périlleuse - pour que ceux-ci sachent comment réagir dans un cas d'un tireur actif qui doit être neutralisé avec rapidité.

Les policiers avaient amélioré leurs techniques d'intervention depuis la fusillade survenue à l'École Polytechnique de Montréal en 1989 et le résultat avait déjà été démontré sur le terrain, notamment lors de la fusillade de Dawson, a expliqué en entrevue Patrick Lalonde, assistant directeur à la Direction des opérations du SPVM.

Tous les policiers du SPVM reçoivent chaque année des formations d'intervention d'urgence plus poussées, avec simulations sur le terrain, dans leur territoire respectif, « spécifiquement en cas de tireurs actifs », précise M. Lalonde.

Résultat: Des armes longues, qui permettent des tirs de précision, sont maintenant entre les mains de certains patrouilleurs pour qu'ils affrontent à armes égales les tireurs.

Le système de communications du SPVM a aussi été amélioré. Il permet de plus la géolocalisation de ses policiers.

Recommandation : des plans d'urgence pour toutes les institutions d'enseignement en cas d'attaques armées, la pose de verrous aux portes et l'élaboration de moyens de communications internes pour rejoindre un maximum de personnes et les tenir informées de la situation.

Résultat: Toutes les portes des salles de classe du Collège Dawson ont été munies de verrous, qui sont activés de l'intérieur.

Un système de communication sophistiqué a été installé au sein de l'école.

Des tours cellulaires ont été implantées. Le jour de la fusillade en 2006, le réseau cellulaire a été surchargé et pendant près d'une heure, il était impossible pour les étudiants d'appeler leurs proches, ni pour les parents de rejoindre leur enfant dans le périmètre du collège.

Le plan d'urgence du Collège Dawson a été revu et bonifié. Et le ministère de l'Éducation du Québec a incité tous les écoles, universités et hôpitaux à faire de même. La majorité, sinon la totalité des cégeps se sont dotés d'un plan d'urgence, selon Judith Laurier de la Fédération des cégeps.

Recommandation : restreindre l'accès à certains types d'armes semi-automatiques

Le coroner recommandait aussi au ministre de la Sécurité publique du Canada de modifier la loi pour que soient prohibées toutes les armes à feu semi-automatiques dont le mécanisme de rechargement se trouve derrière la détente de l'arme à feu, de type appelé « bull-pup », ainsi que les mécanismes similaires. L'arme Beretta CX4 Storm de Kimveer Gill en est un exemple.

Initialement interdits, ces mécanismes ont depuis été intégrés au cadre de l'arme, contournant le règlement les prohibant, souligne M. Ramsay dans son rapport.

Bref, de nombreuses armes que le législateur avait voulu interdire - les armes d'allure militaire avec un canon court dont le transport et le maniement sont plus faciles, dont le chargeur est placé derrière la détente - sont en vente dans les magasins, car les fabricants les ont modifiées pour les rendre légales, a noté le coroner Ramsay.

« C'est un fusil plus léger, plus facile à manÅ"uvrer, mais qui est quand même très précis, et qui ne devrait pas être accessible aux civils », avait indiqué en point de presse le coroner Jacques Ramsay au sujet du fusil CX4 Storm de Kimveer Gill, lors du dévoilement de son rapport en 2008.

Ces armes doivent être prohibées, et le Code criminel doit être modifié dans ce but, recommandait alors le coroner.

Résultat: Les armes telles que celle qu'avait Kimveer Gill ne sont pas prohibées en 2016.

Son fusil Beretta CX4 Storm est toujours vendu en tant qu'arme « restreinte », et le manufacturier a depuis créé une autre version spécialement pour le Canada, en modifiant légèrement la longueur du canon - l'augmentant d'environ huit centimètres - pour qu'elle puisse se retrouver dans la catégorie « non restreinte ».

Recommandation : identifier les acheteurs présentant un comportement « étrange »

Comme les vendeurs d'armes à feu n'ont pas à rapporter aux autorités le comportement étrange d'un acheteur, le coroner recommandait au Contrôleur des armes à feu d'entretenir des contacts privilégiés avec eux afin qu'ils fassent les signalements appropriés, pour susciter des investigations. La stratégie est toutefois limitée, note le coroner, car beaucoup d'achats se font désormais par internet.

Résultat: La Sûreté du Québec n'a pas répondu à nos questions à ce sujet.

Recommandation: donner accès au registre canadien des armes à feu aux chercheurs

Le coroner suggérait que les chercheurs d'établissements reconnus aient accès au registre canadien des armes à feu et au registre des détenteurs d'un permis de possession et d'acquisition d'armes à feu, pour que les lois et politiques futures au sujet des armes à feu soient fondées sur des données probantes.

« Une question qu'on peut se demander, c'est : est-ce qu'il y a de petits drapeaux rouges qui peuvent être soulevés par rapport à certains, une classe de détenteurs de permis ou certaines armes à feu ? Pour l'instant, il n'y a pas de recherches avec des données probantes sur la question », avait commenté le coroner Ramsay, au cours de sa rencontre avec la presse, peu après avoir rendu son rapport en 2008. Les données pourraient aussi permettre de définir des groupes de détenteurs d'armes à feu présentant des risques de suicide ou d'homicide, croit-il.

Dans le cas de Kimveer Gill, il avait procédé à l'achat de plusieurs armes à feu et munitions en l'espace de quelques mois, malgré sa santé mentale fragile, note le coroner.

Résultat: Cette recommandation devient en partie caduque. En effet, le registre canadien des armes à feu a été partiellement démantelé en 2012, car le gouvernement conservateur de Stephen Harper a aboli la partie concernant les armes d'épaule, qui sont classées non restreintes. Elles n'ont désormais plus besoin d'être enregistrées. Le Québec a toutefois l'intention de mettre sur pied sur propre registre et une loi a été adoptée dans ce but.