En permettant à ses agentes de confession musulmane de porter le hijab avec leur uniforme en janvier, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) a simplement emboîté le pas à plusieurs autres organisations fédérales chargées de faire respecter la loi et l'ordre.

La Presse a appris que l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), l'Administration canadienne de la sûreté du transport aérien (ACSTA) et Services correctionnels Canada (SCC) offrent déjà à leurs employées respectives depuis un certain temps le droit de porter le hijab.

La décision de ces agences fédérales de permettre le port du hijab tranche avec l'une des principales recommandations de la commission Bouchard-Taylor. Dans son rapport final déposé en 2008 au terme de plusieurs semaines d'audiences au Québec, la commission avait recommandé d'interdire le port de signes religieux dans le cas des agents de l'État qui représentent une forme de coercition, comme les juges, les procureurs de la Couronne, les policiers et les gardiens de prison, afin d'assurer la neutralité de l'État. La commission estimait que l'on devait permettre aux autres employés de l'État (enseignants, fonctionnaires, professionnels de la santé et autres) le droit de porter des signes religieux.

Le gouvernement Charest n'a pas donné suite à ces recommandations, tandis que le Parti québécois, élu minoritaire en 2012, a proposé une Charte de la laïcité qui interdisait à tous les employés de l'État de porter des signes religieux ostentatoires. Le Parti québécois a perdu les élections en avril 2014.

Selon des informations obtenues par La Presse, il appert que certaines agences fédérales ont modifié leur code vestimentaire au moment même où le débat sur les accommodements raisonnables faisait rage au Québec, en 2007 et 2008. C'est du moins le cas de l'Agence des services frontaliers du Canada et de Services correctionnels Canada.

« L'ASFC autorise le port de couvre-chef en raison de croyances culturelles ou religieuses depuis 2007. »

- Esme Bailey, porte-parole de l'Agence des services frontaliers du Canada et de Services correctionnels Canada

« Les couvre-chefs approuvés par l'agence, incluant les foulards et les turbans autorisés en raison de croyances culturelles ou religieuses, peuvent être portés lors de la formation ou lorsque les agents sont en service. Les épingles ou les épinglettes ne doivent pas être utilisées pour attacher un couvre-chef pour des raisons de santé et de sécurité, car cela pourrait être un danger pour la sécurité des agents qui portent l'épingle/l'épinglette ou leurs collègues si elle se détache, ne s'ouvre pas ou si quelqu'un tire sur le couvre-chef. Uniquement les attaches en velcro ou conçues pour se détacher ou se dégager rapidement devraient être utilisées pour attacher les couvre-chefs », a-t-elle précisé.

Elle ajoute que tous les couvre-chefs doivent être attachés à l'arrière de la tête ou sur la nuque (non pas sous le menton) pour minimiser le danger d'étranglement. Aussi, les couvre-chefs portés pour des motifs culturels ou religieux et les articles portés sur le visage pour se protéger des intempéries « doivent être de couleur bleu marine ou noire et sans motif ».

LES AGENTES CORRECTIONNELLES Y ONT DROIT AUSSI

Services correctionnels Canada a pour sa part modifié la politique sur les uniformes en décembre 2008.

« Oui, il est possible qu'une agente correctionnelle puisse porter un hijab dans l'exercice de ses fonctions au SCC. Le SCC s'est doté d'une directive sur le barème de distribution des vêtements des employés et de lignes directrices sur les uniformes du SCC, le code vestimentaire et le barème de distribution [...] en décembre 2008 », a indiqué Avely Serin, du SCC.

L'ACSTA a, quant à elle, permis le port du hijab deux ans seulement après la création de la société d'État par le gouvernement Chrétien. « Nous avons toujours favorisé une culture d'inclusion. Nous respectons les valeurs et les antécédents culturels et religieux de nos employés et de nos employés contractuels qui portent l'uniforme de l'ACSTA. Les agentes de contrôle peuvent porter le hijab. Elles peuvent se le procurer dans le cadre du programme des uniformes de l'ACSTA. Cette politique a été mise en place en 2004. Elle a été approuvée par le président de l'époque », a précisé un porte-parole de l'agence, Mathieu Larocque.

Enfin, le SCRS, dont les employés travaillent dans l'ombre et à l'abri des regards, n'offre pas d'uniforme à ses employés de sorte que ces derniers peuvent porter ce qu'ils veulent.

« Le SCRS est un organisme civil. Par conséquent, les employés ne portent pas d'uniforme. Il n'y a donc pas de politique en oeuvre à ce sujet. Au SCRS, non seulement la diversité fait-elle partie de sa culture, mais elle y constitue une stratégie fondamentale. La diversité de son effectif aide le SCRS à atteindre ses objectifs. Elle lui permet de mieux comprendre les données démographiques des communautés canadiennes qu'il protège et ainsi d'être mieux outillé pour recueillir des renseignements pertinents et exacts. Ensemble, les employés du service parlent environ 106 langues et son effectif est représentatif de cela », a précisé Tahera Mufti, porte-parole du SCRS.

- Avec la collaboration de William Leclerc