Une adolescente de Winnipeg atteinte par balle a frôlé la mort l'an dernier. Le pistolet de son assaillant s'est révélé être une arme de service volée à un policier de la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Fusil à pompe, pistolet, carabine : 60 armes à feu ont été déclarées volées ou perdues par les agents de la GRC depuis 2008.

Entre 2008 et mars 2016, les agents de la police montée ont perdu 48 armes à feu et s'en sont fait voler 12, a appris La Presse grâce à la Loi sur l'accès à l'information. En 2012 seulement, pas moins de 21 armes à feu ont disparu dans la nature. L'an dernier, 10 armes avaient été égarées ou avaient été volées.

Onze modèles distincts font partie des armes manquantes, tels un fusil Winchester 70, une carabine Colt M16A1 881 et un pistolet Berreta 1934. Une mitraillette de modèle Heckler & Koch MP-5 a même été déclarée perdue entre 2005 et 2008, révèle un autre document de la GRC.

L'arme de service des policiers de la GRC, le Smith & Wesson 5946, est l'arme la plus prisée par les voleurs, puisqu'elle a été subtilisée à 11 reprises depuis 2008. L'arme égarée le plus souvent est toutefois le fusil à pompe (shotgun) Remington 870, déclaré perdu à 18 occasions depuis 2008, dont 8 fois uniquement en 2012. Ce modèle se trouve dans presque tous les véhicules de la GRC.

Les circonstances exactes de ces incidents n'ont pas été spécifiées par la GRC. Le nombre d'armes à feu volées à des agents québécois de la GRC demeure aussi inconnu. « La GRC tient des dossiers précis et complets sur ses armes à feu. Les membres sont tenus de signaler la perte ou le vol d'une arme à feu. [...] La GRC revoit continuellement ses politiques et ses pratiques pour réduire les pertes et les vols d'armes à feu et en assurer le signalement le plus efficacement possible », a indiqué par courriel la gendarme Annie Delisle, porte-parole de la GRC.

Des vols dans les véhicules et les maisons

Ce phénomène n'est pas une « inquiétude majeure » pour l'Association canadienne professionnelle de la police montée (ACPMP), explique en entrevue le porte-parole Terry McKee. « Mais ce n'est pas une situation habituelle. En 30 ans, j'ai connu deux incidents, comme lorsque des voleurs ont cambriolé la maison d'un agent de la GRC et lui ont volé son arme », raconte le retraité de la GRC à Moncton.

Les policiers ont l'obligation d'entreposer de façon sécuritaire leur arme de service, note l'ancien superviseur. 

« Parfois, l'arme est volée dans leur véhicule personnel ou dans leur véhicule de police. Parfois, elle peut être volée dans leur chambre d'hôtel. Mais l'arme ne traîne pas alors sur le lit, elle se trouve dans une boîte métallique cadenassée. »

- Terry McKee, porte-parole de l'ACPMP

Le fusil à pompe Remington 870, par exemple, est entreposé dans un caisson sécurisé électroniquement dans le véhicule. « Personne ne peut aller dans la voiture et voler l'arme. La voiture doit être en marche et la personne doit savoir où se trouve le bouton pour ouvrir le dispositif », explique le policier retraité.

En octobre dernier, le vol d'un pistolet 9 mm Smith & Wesson et de munitions dans un véhicule de la GRC avait fait les manchettes en Alberta. « Cette arme est vraiment reconnaissable. C'est une arme qui ne peut pas être achetée au magasin, elle est marquée très clairement avec une inscription de la GRC », explique Terry McKee.

Les armes à feu sont dérobées la plupart du temps dans des véhicules de police ou dans la résidence des agents, soutient un policier de la GRC qui a requis l'anonymat. « Mais une fois, l'arme d'un policier était tombée de son étui dans les toilettes d'un McDonald's », raconte-t-il. Un policier a aussi déjà perdu un chargeur dans un accident de voiture. Néanmoins, certaines armes déclarées perdues peuvent tout simplement avoir été égarées dans un local de la GRC pendant un déménagement, avance-t-il.

La perte d'une arme à feu est prise très au sérieux par les forces policières. Un policier responsable de la perte d'une arme à feu en raison de sa négligence peut faire face à des accusations criminelles. « Si la perte ou le vol découle du mauvais usage ou du maniement ou de l'entreposage non sécuritaire de l'arme à feu, diverses mesures disciplinaires, allant des simples correctifs à des mesures graves, peuvent être prises contre les membres selon les circonstances générales de l'affaire », affirme Annie Delisle, porte-parole de la GRC.

- Avec William Leclerc, La Presse

Une adolescente blessée avec une arme volée

Calli Vanderra, une adolescente de 16 ans de Winnipeg, a reçu une balle dans la poitrine le 24 octobre dernier, alors qu'elle se trouvait dans une voiture garée avec des amis. L'adolescente a été hospitalisée pendant trois semaines pour traiter de graves blessures aux poumons et à la rate. L'arme utilisée par le tireur de 22 ans n'était pas quelconque : elle appartenait au sergent Chris McCuen de la GRC et lui avait été volée dans son véhicule de patrouille le soir même de la tentative de meurtre. 

L'arme « semi-automatique et extrêmement dangereuse » avait été laissée sans surveillance sur la banquette arrière du véhicule du policier, indique la poursuite intentée par la famille de Calli Vanderra contre le sergent McCuen et la GRC, en février dernier. « L'arme a été laissée à un endroit visible, sur un siège, dans un véhicule stationné dans la rue. C'était tout sauf protégé. Le policier n'est pas censé laisser un fusil sur un siège. [...] Je suis persuadé de pouvoir prouver ça facilement devant la Cour », a affirmé à La Presse Robert L. Tapper, l'avocat de la famille. Il réclame une somme « substantielle » en dommages à la GRC.