Déterminée à changer la culture et à redorer le blason de l'industrie de la construction à la suite de la Commission Charbonneau, l'Association de la construction du Québec (ACQ) vient de «diplômer» deux entreprises pour leur intégrité, une première.

Mis sur pied par l'ACQ, ce programme d'intégrité élaboré suppose la formation du personnel dans l'entreprise sur les questions d'éthique et d'intégrité, la mise en place d'un code de conduite, l'établissement d'un registre des cadeaux reçus ou offerts, l'élaboration d'une grille de gestion des risques, la modification des politiques afin qu'elles répondent aux critères éthiques et, au départ, la consultation des employés.

L'implantation du programme prend environ 24 semaines et l'ACQ a pris deux ans pour l'élaborer. Six projets pilotes avaient été lancés au départ.

Et, aujourd'hui, deux premières entreprises de construction, Ed Brunet et P.A. Brisson, toutes deux de Gatineau, ont réussi tout le processus, a précisé en entrevue lundi Éric Côté, porte-parole de l'Association de la construction.

L'industrie doit redorer son blason et regagner une certaine confiance, admet M. Côté. En adhérant au programme, les entreprises participantes se dotent d'un avantage par rapport à leurs concurrents, en montrant ouvertement qu'elles lavent plus blanc que blanc.

«Ultimement, c'est un changement de culture qu'on souhaite, à l'ACQ, par rapport à l'industrie. S'il y a de plus en plus de gens qui font ce geste-là, c'est toute l'image de l'industrie qui va s'améliorer. Tant qu'on est dans l'application de la Commission Charbonneau, il y a encore des solutions à mettre de l'avant qui sont aussi en dehors des lois», rappelle-t-il.

M. Côté note d'ailleurs que les grands «donneurs d'ouvrage» exigent de plus en plus la participation des entreprises à de tels programmes d'intégrité.

Première entreprise au Québec

Raymond Brunet, président d'Ed Brunet et associés, la première entreprise au Québec à avoir réussi à implanter le programme d'intégrité de l'ACQ, y voit d'abord «un outil extraordinaire pour faire une bonne gestion du risque».

«On sait, avec la Commisison Charbonneau, on a une pente à remonter pour l'image de l'industrie. En déclarant notre participation au programme d'intégrité, on essaie de redonner confiance à notre clientèle, à nos partenaires d'affaires, à nos employés, à tout ce monde-là», a confié M. Brunet en entrevue à La Presse Canadienne.

Il donne des exemples concrets de situations problématiques qui peuvent se présenter au chantier de construction - et dont on a abondamment parlé lors des audiences de la Commission Charbonneau, comme les invitations au restaurant, bouteilles de vin, billets de hockey.

Ce sont «les petits gestes anodins, les réflexes qu'on doit revoir et revisiter, pour tout simplement se questionner sur l'intégrité de l'entreprise et l'intégrité de chacun. Les petits gestes de recevoir des billets de hockey d'un fournisseur, par exemple, ça semble anodin, et c'est encore dans les coutumes, mais si on met un mécanisme qui nous fait réfléchir: (quelle est) la motivation derrière ce geste de cadeau, ça amène une bonne réflexion. Ça peut n'être rien, si ce n'est qu'une amitié, mais ça remet des vieilles pratiques de l'industrie en question», explique M. Brunet.

Son entreprise, fondée en 1901, emploie aujourd'hui 16 personnes en plus d'une trentaine d'ouvriers au chantier. Comme entrepreneur général, il réalise d'ailleurs des contrats publics.

L'Association de la construction du Québec n'a pas terminé son travail avec son programme d'intégrité, signale pour sa part M. Côté. Une douzaine d'entreprises sont en cours de processus. Et l'ACQ a quelque 6000 membres.

Pour accorder encore plus de crédibilité à son programme, l'ACQ veut aussi proposer une certification par un organisme indépendant de l'industrie. Elle espère pouvoir le faire d'ici la fin de l'année 2016.