Les gouvernements fédéral et ontarien ont dépêché lundi une «équipe de crise» dans la communauté autochtone d'Attawapiskat, qui a décrété samedi l'état d'urgence face au taux alarmant de tentatives de suicide observé chez les jeunes.

Une équipe multidisciplinaire de cinq travailleurs en santé mentale est arrivée lundi dans ce village éloigné d'environ 2000 habitants, du côté ontarien de la baie James, a indiqué à Ottawa la ministre fédérale de la Santé. Jane Philpott a parlé de «l'une des plus sérieuses tragédies que ce pays doive affronter actuellement - et de toute urgence».

Le chef d'Attawapiskat, Bruce Shisheesh, et le conseil de la communauté ont déclaré l'état d'urgence, samedi soir, à la suite de la onzième tentative de suicide à survenir en neuf jours seulement - depuis le début d'avril. Selon le conseil, 28 autres tentatives de suicide avaient été dénombrées en mars, et «les ressources de première ligne de la communauté sont au bout du rouleau», alors que «des ressources additionnelles ne sont pas dépêchées de l'extérieur».

Attawapiskat n'en est pas à ses premières crises: depuis des années, la petite communauté doit faire face à des crues printanières, à la contamination de son eau potable, à une pénurie de logement salubre et à la fermeture de son école, condamnée.

«Le fait est que la situation empire de jour en jour et que rien n'est fait», a dénoncé lundi aux Communes le député néo-démocrate Roméo Saganash, qui représente la circonscription voisine, du côté québécois de la baie James.

Son collègue Charlie Angus, qui représente la circonscription ontarienne voisine, où se trouve Attawapiskat, a parlé d'un «cauchemar à répétition», car les communautés nordiques ne disposent jamais des ressources nécessaires pour faire face à ces crises. «Comme les gens d'Attawapiskat me le disaient (lundi matin), on ne devrait pas être obligés de décréter l'état d'urgence pour que des travailleurs en santé mentale soient dépêchés par avion dans une région où on a dénombré quelque 700 tentatives de suicide», a-t-il lancé aux Communes.

Le grand chef de l'Assemblée des Premières Nations, Perry Bellegarde, croit de son côté qu'il faudrait aussi maintenant apporter un soutien à long terme à cette communauté qui vit une tragédie nationale, afin que ses habitants - particulièrement les jeunes - ne sombrent pas ainsi dans le désespoir.

M. Bellegarde rappelle par ailleurs que la situation à Attawapiskat n'est malheureusement pas unique au pays: la communauté crie de Pimicikamak, au Manitoba, a aussi déclaré le mois dernier l'état d'urgence face à une vague de suicides et de tentatives de suicide chez les jeunes.

Ottawa convient que «pour améliorer concrètement le mieux-être des Autochtones et donner espoir aux communautés, nous devons toutefois axer nos efforts sur l'amélioration de leur situation socioéconomique».

«En Ontario, le gouvernement fédéral a travaillé avec la province afin de mettre sur pied une table mixte de concertation pour que les gouvernements fédéral et provincial puissent travailler ensemble, de concert avec les dirigeants des Premières Nations, en vue de trouver des solutions concrètes. Ce travail est déjà en cours», écrivent dans un communiqué conjoint les ministres fédérales de la Santé et des Affaires autochtones.

Une résidante d'Attawapiskat, Jackie Hookimaw, a expliqué que la vague actuelle de tentatives de suicide avait débuté l'automne dernier. Sa propre petite-nièce, âgée de 13 ans seulement, s'est enlevé la vie en octobre. Mme Hookimaw soutient que la communauté ne dispose pas des ressources nécessaires pour faire face à ce genre de crise.

Sur Twitter, dimanche, le premier ministre Justin Trudeau écrivait que «les nouvelles d'Attawapiskat (lui) brisent le coeur» et que «nous continuerons de chercher à améliorer les conditions de vie de tous les Autochtones».