Le problème des fugues en centre jeunesse est encore plus aigu chez les garçons : entre 2012 et 2015, 2707 garçons ont fugué des installations des centres jeunesse du Québec contre 1944 filles, selon les chiffres obtenus par La Presse auprès du ministère de la Santé. C'est près de 40 % de plus.

Les garçons ne tombent pas dans les griffes de proxénètes comme c'est le cas pour de nombreuses filles. Mais ils ne se mettent pas moins en danger que les filles lors de ces sorties souvent impulsives et donc mal préparées. Certains d'entre eux peuvent se livrer à la prostitution masculine pour gagner de l'argent, mais ils peuvent aussi verser dans la consommation de drogue ou la délinquance.

Fanny Cyr en sait quelque chose : son fils de 16 ans, atteint de troubles de santé mentale, a fugué pas moins de 20 fois depuis son admission en centre de réadaptation dans les Laurentides, il y a un an. La mère de 37 ans n'en peut plus.

« La semaine passée, on le savait qu'il allait fuguer. Le samedi, il est sorti. Ils l'ont retrouvé deux heures plus tard. On l'a mis sur un protocole de fugue, il n'a pas accès à ses effets personnels pendant 48 à 72 heures. Le lundi matin, à 6 h 30, il est parti en Crocs et en chandail à manches courtes. Il a réussi à se rendre jusqu'à Montréal ! Même si ce n'est pas une fille, on a peur. Quand on l'a retrouvé, il avait une lettre d'adieu dans ses poches. »

MANQUE D'ENCADREMENT

Le fils de Mme Cyr souffre de troubles de déficit de l'attention avec hyperactivité et de troubles anxieux graves. Malgré des troubles de langage, il a une intelligence au-dessus de la moyenne et réussit très bien à l'école. C'est un beau garçon, drôle et attachant. « C'est tellement dommage, car il a un beau potentiel. »

Même s'il a fait de nombreuses fugues et adopté des comportements suicidaires, le fils de Mme Cyr n'a jamais été admis dans une unité d'encadrement intensif, soit dans une unité sécuritaire où les portes sont verrouillées.

« Ç'a toujours été refusé. Malgré tout ce qu'il a fait, malgré ses tentatives de suicide... J'ai tellement poussé pour l'encadrement intensif. Ils m'ont toujours dit qu'on n'avait pas assez d'éléments. Je trouve ça aberrant », dit-elle.

On lui a même refusé l'encadrement intensif après une tentative de suicide, en janvier dernier.

En fait, se désole Fanny Cyr, l'état de son fils s'est dégradé depuis qu'il a été admis en centre. « Un jour, on a fait un choix : qui est-ce que je protège ? J'ai choisi de protéger mes deux filles [de 11 et 4 ans]. Mon fils fait 6 pieds et 170 livres. On ne pouvait plus l'arrêter. On a décidé de le placer. J'espérais avoir des services, mais il empire depuis qu'il est là. »

À la maison, son fils réussissait bien à l'école, ne prenait pas de drogue et faisait attention à sa santé. Il n'avait jamais fugué du domicile familial. « En centre, il a commencé à consommer de la drogue, à boire, à fuguer... La dernière fois qu'il est venu chez nous, il a voulu se faire venir une escorte ! Ça commence à être des comportements sexuels à risque. »

Les éducateurs du centre, estime Mme Cyr, font leur gros possible avec les moyens qu'ils ont. « Oui, ils ont travaillé avec lui depuis un an. C'est vrai. Mais ils sont 2 éducateurs pour 12 jeunes. On a peu de services. »

Les fugues chez les garçons

2014-2015

835 garçons, dont 193 du centre jeunesse de Montréal et 165 du centre jeunesse de la Montérégie

604 filles, dont 133 du centre jeunesse de Montréal et 97 du centre jeunesse de Laval

2013-2014

820 garçons, dont 210 du centre jeunesse de Montréal et 157 du centre jeunesse de la Montérégie

664 filles, dont 139 du centre jeunesse de Montréal, 101 du centre jeunesse de la Montérégie et 97 du centre jeunesse de Laval

2012-2013

1052 garçons, dont 267 du centre jeunesse de Montréal et 198 du centre jeunesse de la Montérégie

676 filles, dont 145 du centre jeunesse de Montréal, 104 du centre jeunesse de la Montérégie et 100 du centre jeunesse de Laval