On l'annonçait comme la tempête de l'année. De Toronto à Québec en passant par la Gaspésie, elle a bel et bien frappé. Mais elle a étrangement épargné Montréal, où les vols annulés, écoles fermées et cols bleus mobilisés ont entraîné bien des coûts et des désagréments pour rien. Comment les météorologues ont-ils pu se tromper à ce point ? Quelles en sont les conséquences ? Compte rendu d'une drôle de journée.

1. Ils ont échappé le ballon devant la foule

Il y a des erreurs qui se voient plus que d'autres. Et diffuser des avertissements de blizzard pour la plus grosse ville du Québec alors qu'il ne s'y passe rien qui soit digne de mention marque les esprits. « Si c'était arrivé à Saint-Jean-sur-Richelieu, personne n'en aurait fait de cas », lance Marie-Josée Grégoire, chef du service de la météorologie chez MétéoMédia. Parce que si les Montréalais avaient l'impression hier que la tempête annoncée n'a jamais eu lieu, c'est loin d'être le cas. De Toronto à Québec en passant par la Mauricie, la tempête annoncée a bel et bien frappé. On a enregistré des chutes de neige de 27 cm dans les Laurentides et de 15 cm à Mirabel, donc tout près. La métropole québécoise apparaît en fait comme le village gaulois épargné par l'envahisseur blanc.

2. La tempête a foncé sur Montréal

Ironiquement, si les Montréalais n'ont pas vu la tempête, c'est qu'ils se sont retrouvés au coeur même de celle-ci. « Tous nos modèles montraient que le centre de la dépression allait passer près de Plattsburgh, dans l'État de New York. Finalement, il est passé juste au sud de Montréal », dit Marie-Ève Giguère, météorologue à Environnement Canada. En fonçant vers Montréal, le centre de la dépression a poussé un front chaud vers la métropole. Cette arrivée imprévue a déclenché une cascade d'événements qui ont complètement bousillé les prévisions des météorologues.

3. L'air doux a provoqué du grésil

L'air doux apporté par le centre de la dépression s'est installé à un kilomètre au-dessus de la ville. Plus haut, la tempête a bel et bien envoyé des flocons de neige vers Montréal. Mais en traversant cette couche d'air doux, les flocons ont fondu, avant de geler à nouveau avant d'atteindre le sol. Le résultat est ce qu'on appelle du grésil. « Tout ce qui est tombé en grésil n'est pas tombé en neige. Et comme le grésil ne s'accumule pas au sol, ça ne paraît pas », dit Marie-Josée Grégoire, de MétéoMédia. « On ne pouvait pas être plus à la limite du grésil. En moyenne altitude, l'air a à peine touché au 0 °C nécessaire pour faire fondre les flocons. Ça s'est joué dans les fractions de degré », remarque Pascal Yiacouvakis, météorologue à Radio-Canada.

4. Le système s'est intensifié plus tard que prévu

Comme si le grésil n'avait pas assez saboté les plans des météorologues, ceux-ci avaient prévu que le système s'intensifierait juste avant d'arriver à Montréal. « C'est arrivé juste de l'autre côté, dans le coin de Mascouche et Terrebonne », dit Marie-Josée Grégoire, de MétéoMédia. Cela a encore contribué à creuser l'écart entre les précipitations réelles (8 cm de neige et l'équivalent de 12 cm en comptant le grésil) et celles annoncées (entre 20 et 25 cm).

5. La tempête a progressé très vite

Selon Marie-Ève Giguère, d'Environnement Canada, le fait que la tempête ait progressé très vite à travers le continent américain n'a pas non plus aidé les météorologues. « Dans ce cas, il est plus difficile d'ajuster nos prévisions », dit-elle.

6. Les modèles ont tous erré

Pour prédire la pluie et le beau temps, les météorologues font rouler sur leurs ordinateurs des modèles qui brassent des équations mathématiques. Ils y insèrent les données de température, pression, humidité et vitesse des vents récoltés par les satellites, avions, stations terrestres et ballons météorologiques, puis voient comment ces valeurs évoluent dans le temps et dans l'espace. Il existe plusieurs modèles différents. Le météorologue juge lesquels, dans les circonstances, semblent les meilleurs. Or, dans ce cas, il n'y avait aucune interprétation possible à faire. « Tous les modèles prévoyaient la même chose, et c'était une tempête pour Montréal », dit Marie-Josée Grégoire, de MétéoMédia. Chez Environnement Canada, on tentera d'étudier dans les prochains jours pourquoi les modèles ont tous erré. « C'était un cas particulièrement difficile et délicat, commente Pascal Yiacouvakis, de Radio-Canada. Dans une situation comme ça, je crois qu'on atteint la limite de la science. »