La circulation des gros camions a augmenté de 60 % sur le boulevard Monseigneur-Langlois, à Salaberry-de-Valleyfield, depuis la fin des travaux de parachèvement de l'autoroute 30, en 2012, et l'inauguration du pont à péage reliant cette municipalité du Haut-Saint-Laurent à la ville de Vaudreuil-Dorion.

Les comptages réalisés par le ministère des Transports du Québec (MTQ) confirment ainsi ce que des élus régionaux et des centaines de Campivallensiens avaient déjà remarqué depuis trois ans, à savoir une augmentation notable du camionnage sur le boulevard et le pont Monseigneur-Langlois, qui permettent d'accéder sans péage à l'autoroute 20, de l'autre côté du fleuve Saint-Laurent.

Le phénomène est assez particulier puisqu'il ne touche que les camions de plus de 41 pieds (12,5 mètres), soit les camions semi-remorques. Les données du MTQ démontrent que le nombre d'automobiles circulant sur le boulevard Monseigneur-Langlois - qui porte le numéro de route 201 - a diminué de 20% entre 2011 et 2014.

De même, le nombre de camions de moins de 41 pieds a diminué de 30 % pendant la même période.

Par contre, le nombre de semi-remorques sur le boulevard Monseigneur-Langlois a connu «une augmentation de 45 à 60%, selon la direction», affirme un résumé de l'étude du MTQ que La Presse a obtenu.

En termes concrets, cette hausse se traduit par une augmentation d'environ 350 camions semi-remorques par jour, dans chaque direction, sur ce boulevard municipal qui traverse presque tout Salaberry-de-Valleyfield, et qui mène au pont Monseigneur-Langlois.

Fuir le péage ou le contrôle routier?

Les élus et les résidants locaux attribuent cette forte augmentation du camionnage de transit à la présence d'un péage sur le pont de l'autoroute 30, qui traverse le Saint-Laurent, et à la volonté des camionneurs d'éviter les attentes à un poste de pesée de Contrôle routier Québec, situé juste à l'est de l'échangeur des routes 20 et 201, dans la municipalité des Coteaux, près de Vaudreuil-Dorion.

En empruntant la route 201 et le pont Monseigneur-Langlois pour franchir le fleuve, les camions qui arrivent de l'Ontario, via l'autoroute 20, ou qui se dirigent vers la province voisine, par la même autoroute, peuvent en effet éviter le contrôle routier et le pont à péage de l'autoroute 30.

En sens contraire, des centaines de camions empruntent chaque jour l'A30 jusqu'au pont à péage, et poursuivent ensuite leur chemin à l'ouest du pont, jusqu'au carrefour des routes 132 et 201. Ces camions utilisent ensuite le boulevard Monseigneur-Langlois pour traverser Salaberry-de-Valleyfield jusqu'au pont Monseigneur-Langlois, qui est public et sans péage, pour aller rejoindre l'A20.

Le parcours de près de sept kilomètres, entre l'A530 et le pont gratuit, est ponctué de pas moins de 10 feux de circulation. Malgré cela, il demeure populaire chez les camionneurs qui évitent ainsi le péage.

Au tarif actuel de 1,85 $ par essieu, un camion-remorque faisant plus de 12,5 mètres, et qui compte six essieux, doit débourser 11,10 $ pour franchir le pont à péage Serge-Marcil, jusqu'à Vaudreuil-Dorion.

Un nouveau boulevard

Selon le maire de Salaberry-de-Valleyfield, Denis Lapointe, la hausse du nombre de camions s'est fait sentir dès l'ouverture du pont à péage et l'arrivée de l'autoroute 30 jusque dans sa municipalité, à la fin de 2012. Les autorités municipales ont fait part de ce constat au ministère des Transports du Québec, qui a tout de même pris deux ans avant de faire des comptages, réalisés au début de 2015. Ces données ont été présentées lundi aux élus locaux et régionaux du Suroît.

«Le ministère des Transports élabore un certain nombre de propositions, dont on ne nous a toutefois pas communiqué les détails, le temps de vérifier un certain nombre de choses», a ajouté M. Lapointe.

Pour une bonne partie des résidants, explique le maire Lapointe, cette augmentation du camionnage a surtout eu pour effet de transformer le boulevard Monseigneur-Langlois en une barrière qui divise les secteurs résidentiels, situés au nord, et le coeur commercial de Salaberry-de-Valleyfield, situé principalement au sud du boulevard. La circulation entre les rangées de véhicules lourds insécurise des résidants, et les infrastructures permettant de passer du nord au sud du boulevard doivent être repensées.

«Nous avons élaboré un scénario qui permettrait de rétablir les liens nord-sud grâce à un nouveau boulevard, explique M. Lapointe. Cela permettrait de passer d'un côté à l'autre du boulevard Monseigneur-Langlois sans avoir à y rouler. Nous avons présenté cette option au Ministère.»

Le maire ajoute que dès cette année, certaines des intersections qui croisent la route 201 pourraient être réaménagées, avec feux de circulation. La municipalité projette aussi de repenser une partie de son réseau municipal afin d'offrir une solution de rechange routière continue au boulevard Monseigneur-Langlois pour la desserte locale des secteurs commerciaux, dans la partie sud de la ville.

Tarifs trop élevés

Le parachèvement de l'autoroute 30, inauguré en 2012, visait principalement à doter l'industrie du camionnage d'une voie de contournement, permettant d'éviter les autoroutes congestionnées de l'île de Montréal et ses innombrables chantiers routiers. Si la présence de l'autoroute permet aujourd'hui à un grand nombre de camionneurs d'éviter la métropole et de gagner du temps en empruntant les voies de circulation gratuites de l'A30, elle n'oblige pas pour autant les conducteurs à emprunter le pont à péage pour rejoindre l'A20 de l'autre côté du fleuve.

À l'Association du camionnage du Québec (ACQ), qui regroupe les plus importantes entreprises de camionnage de la province, le PDG Marc Cadieux affirme que l'autoroute 30 est toujours perçue de manière positive par l'industrie, comme une voie de contournement de la métropole qui permet aux transporteurs d'économiser temps et argent.

M. Cadieux estime toutefois que les deux augmentations successives de 30% du tarif du pont à péage, imposées en 2014 et 2015, ont considérablement refroidi l'enthousiasme des entreprises envers l'autoroute 30. Selon lui, une bonne part de la hausse du nombre de semi-remorques sur le boulevard et le pont Monseigneur-Langlois s'expliquerait donc «par un mouvement spontané de protestation».

«Dans la plupart des cas, les clients des entreprises de camionnage vont refuser de prendre à leur charge ce coût additionnel de transport, dit-il. Ce sont donc les transporteurs qui sont obligés de l'assumer. À plus de 11$ par passage, cela peut représenter des milliers de dollars pour certaines entreprises.»

À l'ouverture du pont à péage, en 2012, le tarif des camions était de seulement 1,15 $ par essieu, mais il a augmenté de 60 % au cours des deux années suivantes pour s'établir à 1,85 $ par essieu. Pour un semi-remorque, cela représente une augmentation de plus de 4 $ par passage entre 2012 et 2014.