Ébranlé par l'attentat qui a tué six coopérants québécois au Burkina Faso, le gouvernement du Québec entend resserrer les mesures de sécurité pour les bénévoles et les travailleurs humanitaires déployés à l'étranger.

Québec financera une formation destinée aux organismes de coopération internationale qui envoient chaque année des centaines de volontaires dans des zones de plus en plus instables, comme en Afrique de l'Ouest, a appris La Presse.

Le programme de formation a été mis sur pied par l'Observatoire canadien sur les crises et l'aide humanitaires (OCCAH) afin d'aider les organismes à mieux encadrer leurs coopérants et à mieux gérer les risques sur le terrain.

« Au cours des cinq à dix dernières années, nous avons vu apparaître de nouvelles menaces dans des pays qui, normalement, étaient stables », a expliqué Mario Brière, responsable de l'aide humanitaire au ministère des Relations internationales.

« L'aide humanitaire provient de partout aujourd'hui, il y a même du tourisme humanitaire. Oui, tout cela a besoin d'encadrement », a ajouté Jack Roy, porte-parole de la ministre des Relations internationales et de la Francophonie, Christine St-Pierre.

La ministre rencontrera par ailleurs une vingtaine d'organismes d'ici la fin du mois de janvier afin « d'avoir un échange sur les nouveaux risques à la sécurité » des coopérants et « sur les meilleurs moyens pour les atténuer ».

Mme St-Pierre fera l'annonce du nouveau programme après son retour de mission en Europe - où elle tente justement d'arrimer les efforts du Québec en matière de lutte contre la radicalisation avec ceux du reste de la Francophonie, durement touchée par les attentats successifs de Paris, Bamako et Ouagadougou.

Mieux faire les choses

Comme la mort d'Alan Kurdi, le petit garçon échoué sur une plage turque en septembre, la mort de six Québécois dans la capitale du Burkina Faso doit « servir de leçon », estime François Audet, directeur scientifique de l'OCCAH. « Le minimum qu'on puisse faire pour honorer la mémoire de ces gens décédés pour une bonne cause, c'est de trouver une façon de mieux faire les choses. »

Mardi, La Presse a révélé que des organisations professionnelles d'aide humanitaire avaient pris des mesures par rapport à la menace terroriste, prévenant leur personnel d'éviter les lieux fréquentés par des expatriés à Ouagadougou. Mais le Centre Amitié de Solidarité Internationale de la Région des Appalaches (CASIRA), qui parrainait les six Québécois, n'avait pas donné une telle consigne.

« C'est la nuance extrêmement importante entre l'amateurisme et le professionnalisme. On était clairement face à un contexte changeant au Burkina Faso, et il y aurait dû y avoir des consignes plus solides, déplore M. Audet. Évidemment, le risque zéro n'existe pas. On ne peut pas tout éviter, mais on aurait certainement pu réduire la probabilité que cela survienne. »

Sans blâmer le CASIRA, l'expert estime qu'il s'agit d'une ONG, parmi bien d'autres, qui aurait eu besoin d'une « mise à jour sur les nouveaux contextes d'insécurité » en Afrique de l'Ouest. « Il y a eu une époque où ce type d'aide était possible. C'était avant le choc des religions et les mouvements terroristes actuels. »

L'Afrique de l'Ouest est désormais plus instable, et les organismes de coopération, très présents dans cette région, n'ont jamais travaillé dans un tel contexte. « Ces organisations sont extrêmement à risque, prévient M. Audet. Il faut qu'elles se professionnalisent ou qu'elles aillent carrément travailler ailleurs. »

« Ce n'est pas plier l'échine devant le terrorisme de se retirer d'un pays ; c'est laisser la place à ceux qui ont la capacité d'y être, malgré le risque, conclut-il. Des gens bien intentionnés veulent aider. Leur engagement est fondamental ; sans lui, le monde ne tient plus. Mais il faut canaliser cet engagement, et pas n'importe comment. Ce n'est pas tout de partir avec son sac à dos en disant qu'on va reconstruire le monde. Ça ne fonctionne plus comme ça. »