De grands organismes de coopération internationale avaient mis en garde leurs employés contre les risques d'attentats au Burkina Faso. Au cours des derniers mois, Oxfam et le Centre d'étude et de coopération internationale (CECI) avaient prévenu leurs coopérants d'éviter les endroits fréquentés par des expatriés.

Mais cette mise en garde ne s'est pas rendue aux oreilles des six Québécois victimes de l'attaque terroriste menée vendredi contre l'hôtel Splendid d'Ouagadougou.

« Dès le coup d'État [en septembre], il y a eu des attaques aux frontières. Les zones frontalières sont devenues des zones rouges. Des villages ont été attaqués. C'est la technique Boko Haram : on rentre, on tue et on s'en va », dit Carine Guidicelli, directrice de l'équipe du CECI en Afrique.

Comme le CECI, Oxfam avait alors rapatrié ses coopérants dans la capitale, Ouagadougou. Les deux organismes avaient recommandé à leurs employés de ne pas s'attarder dans des lieux prisés par les Occidentaux. Cette directive était toujours en vigueur lors des attentats qui ont secoué la capitale.

Le Centre Amitié de Solidarité Internationale de la Région des Appalaches (CASIRA), petite organisation chargée d'encadrer la mission des six victimes, n'avait pas diffusé une telle directive. « Il n'y avait rien qui laissait présager [l'attentat]. Il n'y avait pas de consignes spéciales. C'était les mêmes consignes de sécurité que n'importe quel voyage d'entraide à l'étranger », explique la coordonnatrice, Véronique Labonté.

Les récents événements pourraient remettre en question le mode de fonctionnement des ONG qui envoient des volontaires aux quatre coins du monde. « Il faut resserrer les règles du jeu et donner des ressources aux petites organisations pour qu'elles soient mieux préparées », tranche François Audet, directeur scientifique de l'Observatoire canadien sur les crises et l'aide humanitaire (OCCAH).

« Au Québec, on est un peu à l'âge de pierre en ce qui concerne la gestion de la sécurité par des organismes de coopération internationale », dit-il.

Certes, l'attentat contre l'hôtel Splendid était imprévisible, admet l'expert. « Mais il est certain que les gouvernements du Canada et du Québec, ainsi que la communauté de la coopération internationale, doivent resserrer leurs mesures de sécurité et arriver en 2016 : des choses comme [cet attentat], ça arrive. C'est un facteur de risque. »

Au Québec, une soixantaine d'organismes envoient des volontaires à l'étranger. Contrairement aux grandes organisations comme la Croix-Rouge, Care et Oxfam, qui font leurs propres analyses sur le terrain, ces petits organismes se basent sur les avertissements diffusés par le gouvernement canadien pour assurer leur sécurité. « Nous n'avons pas les moyens de faire ces évaluations », dit Michèle Asselin, directrice de l'Association québécoise des organismes de coopération internationale (AQOCI).

« Il y a des règles de sécurité, assure-t-elle. Tous les stagiaires et les coopérants sont enregistrés à l'ambassade du Canada. Mais il n'y a pas de risque zéro. On savait qu'il y avait des risques dans le nord du Burkina Faso, mais la communauté internationale tout entière a été surprise par cet attentat en plein coeur de la capitale. »

Pas de rapatriement prévu

Pour le moment, il n'est pas question de rapatrier la cinquantaine de Québécois engagés dans des projets de coopération au Burkina Faso, ajoute Mme Asselin. « Avant de procéder à un rapatriement massif, il faudrait vraiment que le pays bascule dans une grande insécurité. » Ce n'est pas le cas.

Le CECI a d'ailleurs décidé aujourd'hui de ne pas rapatrier ses coopérants canadiens et leurs familles. L'organisme a proposé à ceux qui voulaient rentrer de le faire, « mais on a dû réfréner leurs ardeurs. Ils veulent tous continuer comme avant », raconte Carine Guidicelli.

À l'avenir, les organismes plus modestes pourraient cependant revoir leurs façons de faire, en embauchant par exemple une main-d'oeuvre locale plutôt qu'en envoyant sur place un groupe de bénévoles étrangers pour faire le travail.

« Il y a différents types d'appui au développement international. Certains projets ne nécessitent pas l'apport de coopérants volontaires. On pourra évaluer la situation au fil des prochains mois, mais pour l'instant, il n'y a pas de mouvement pour se retirer du Burkina Faso », dit Mme Asselin.

« Si on devait quitter l'avant-dernier pays le plus pauvre du monde, on enverrait un drôle de message », souligne Mme Guidicelli. Dans un communiqué, CASIRA affirme pour sa part que son « souhait le plus profond [...] est que la motivation des volontaires qui se consacrent à l'action humanitaire et la solidarité internationale ne soient pas affectée ». « En limitant nos actions de solidarité, nous donnerions raison aux terroristes. »