Une mauvaise surprise attend les propriétaires de chalets situés sur les terres publiques du Québec: les loyers qu'ils paient au ministère des Ressources naturelles connaîtront cette année une hausse considérable, qui se répétera dans la majorité des cas tous les ans jusqu'en 2020.

La nouvelle tarification des quelque 42 000 baux de villégiature et de camps de chasse disséminés sur le territoire québécois entre en vigueur le 1er janvier. Le loyer moyen, qui se chiffrait à 429$ en 2009, atteindra 1144$ dans cinq ans, selon le Regroupement des locataires de terres publiques (RLTP), qui dénonce ces augmentations.

«Le gouvernement Couillard n'est pas conscient de l'impact de ce règlement sur l'accessibilité au territoire pour les Québécois, déplore le président du RLTP, Réjean Thibeault. Ou alors, s'il comprend, c'est qu'il se fout éperdument de l'opinion de la classe moyenne.»

Les hausses varient selon les régions, la présence ou non d'un cours d'eau et la proximité de l'un des 49 «pôles d'attraction urbains» identifiés dans le règlement. Elles varient beaucoup: minimes (11%) pour les chalets situés près de La Sarre, elles atteignent 350% à Maniwaki et 530% autour de Sainte-Thècle, en Mauricie. L'augmentation moyenne est de 167%.

Rattrapage

Un rattrapage était nécessaire, reconnaît M. Thibeault, car il n'y avait eu aucune indexation de 2003 à 2009. Mais le gouvernement Couillard est allé trop loin, soutient-il. «C'est une commande pour aller chercher plus d'argent», dit M. Thibeault.

La mise à jour des loyers «a pour but de s'assurer que l'État, et par conséquent tous les citoyens du Québec, perçoit une juste compensation pour l'utilisation de ce patrimoine», a indiqué le Ministère dans un communiqué diffusé en novembre, au moment de l'adoption des modifications du règlement.

L'étalement de la hausse sur cinq ans et la réduction du taux de location, qui passe de 6 à 5% de la valeur de référence pour chaque territoire, devraient atténuer l'impact pour les locataires, fait-on valoir.

Retour en arrière

Le RLTP voit les choses d'un autre oeil et craint qu'on ne soit en train de revenir en douce à l'époque des clubs de chasse et pêche privés, que le gouvernement de René Lévesque avait abolis dans les années 70. «On est en train de ressortir les Québécois modestes de la manière la plus vicieuse qui soit: le pécuniaire», dit M. Thibeault.

Propriétaire d'un petit chalet sur pilotis dans les îles de Sorel-Tracy, Johanne Antaya fait partie des villégiateurs qui craignent pour l'avenir. Elle payait 320$ en 2006. Cette année, le loyer s'élevait à 1068$. Avec les assurances et les taxes municipales et scolaires, la facture dépasse les 1500$. À 57 ans, elle travaille trois jours par semaine dans un bureau de notaire. Son mari, ex-travailleur d'usine, est à la retraite. «Si ça continue, on va être étouffés, on ne pourra plus payer ça», dit-elle.

Selon Gilles Levac, président du RLTP pour la Mauricie et Lanaudière, certains membres du regroupement ont d'ores et déjà vendu leur chalet en raison des hausses successives. «M. Tout-le-Monde qui a son chalet depuis 50 ans et qui est à la retraite, il a souvent un budget très minime et n'est pas capable de payer cette augmentation.»

Le RLTP a obtenu l'appui des fédérations des pourvoiries, des ZEC, des chasseurs et pêcheurs et des trappeurs gestionnaires du Québec. Mais jusqu'ici, le ministre Pierre Arcand a opposé une fin de non-recevoir à leurs demandes.