Le Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence a mis un terme à sa collaboration avec un de ses chercheurs cette semaine, en raison de sa contribution à un texte qui qualifiait le Québec de «province particulièrement islamophobe» dans le Toronto Star.

Hicham Tiflati, chercheur avec le Consortium interuniversitaire pour les études arabes et moyen-orientales à l'Université de Montréal et l'Université McGill et doctorant à l'UQAM, faisait partie jusqu'à il y a quelques jours de l'équipe du centre contre la radicalisation mis sur pied au début de l'année par la Ville de Montréal.

La semaine dernière, son nom est apparu comme cosignataire d'une lettre ouverte intitulée «Le Québec doit faire face à son problème d'islamophobie», dans le Toronto Star.

«Bien que l'islamophobie et l'animosité envers les musulmans existent partout au Canada, leur nature au Québec semble être unique, et très inquiétante. Les représentants de la loi et les travailleurs sociaux reçoivent des appels de citoyens inquiets qui souhaitent signaler des "personnes suspectes" comme un homme avec une longue barbe dans leur quartier. Ils reçoivent des appels de familles inquiètes qui demandent si leur parent, un nouveau converti à l'islam, pourrait devenir un terroriste», dit le texte.

La lettre ouverte raconte l'histoire d'une amie de Shayma Senouci, qui fait partie des jeunes partis en janvier du Québec pour rejoindre le groupe État islamique en Syrie. L'amie y fait part des commentaires racistes qu'elle reçoit.

«Les jeunes musulmans [...] luttent pour trouver leur place au Québec. Ils y sont nés, y vont à l'école, mais en tant que musulmans visibles, ils ne se sentent pas inclus dans le tissu de la province, qui est souvent ouvertement hostile à leur identité religieuse.»

Inapproprié

Ces propos ont causé un malaise au Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence de la province. «C'était inapproprié et exagéré, croit le directeur du centre, Herman Deparice-Okomba. Il y a du racisme partout. Ce n'est pas vrai de dire que c'est pire ici qu'ailleurs. On a décidé d'un commun accord avec l'employé de mettre un terme à notre collaboration.»

L'autre cosignataire de la lettre ouverte, Amarnath Amarasingam, chercheur à l'Université de Waterloo, a précisé publiquement qu'il avait rédigé seul le texte en se basant sur le matériel amassé sur le terrain avec Hicham Tiflati. Les propos sur le Québec ne représenteraient pas l'opinion de ce dernier.

Joint par La Presse, M. Tiflati a tenu à prendre ses distances du texte, qu'il n'avait pas lu avant publication, même s'il porte sa signature, dit-il. «C'était un peu controversé. On ne va pas nier le problème [de l'islamophobie], mais il n'est pas aussi grand que ça», a-t-il relativisé, en annonçant la publication prochaine d'une mise au point pour préciser sa pensée.

La tourmente créée par la lettre ouverte lui a toutefois fait réaliser qu'il valait mieux qu'il quitte le Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence, confirme-t-il.

«Je suis chercheur. J'ai déterminé qu'il est mieux pour moi de pouvoir contribuer au débat public avec droit de parole. Le centre est une institution semi-publique, sa position est assez délicate. Comme sa réputation et sa réussite sont importantes pour moi, on a décidé d'un accord mutuel qu'il valait mieux que je me retire», explique-t-il.