La discrimination serait moins forte au Québec que dans le reste du Canada, selon une récente analyse de l'Institut de la statistique du Québec. Ce résultat occulte toutefois le fait que musulmans, juifs et anglophones vivant dans la Belle Province se sentent davantage victimes de discrimination qu'ailleurs au pays. Explications.

Moins de discrimination

Près du quart (23%) des Québécois disent avoir subi de la discrimination au cours des cinq dernières années, sous une forme ou une autre. Si le chiffre peut paraître élevé, il reste plus faible que dans le reste du Canada, où la proportion est de un Canadien sur trois. C'est en Colombie-Britannique que la plus grande proportion de répondants dit avoir été victime de discrimination, soit 36%. En Ontario, c'est 34% de la population qui affirme avoir subi un traitement défavorable en raison de son origine ethnique, de la couleur de sa peau, de son sexe ou de sa langue.

Moins de diversité au Québec

Ces résultats n'étonnent pas Richard Bourhis, professeur de psychologie à l'Université du Québec à Montréal (UQAM), qui se spécialise dans la discrimination et l'intégration des immigrants et les communautés anglophones. Il souligne que la population québécoise est moins diversifiée que dans le reste du Canada. Ainsi, seulement 11% des Québécois font partie des minorités visibles, contre 22% ailleurs au Canada. «C'est rare qu'une majorité se sente discriminée. Quand tu as beaucoup de diversité, tu as plus de chances d'avoir des gens qui se sont sentis discriminés à cause de leur couleur de peau, de leur ethnicité, de leur langue ou de leur religion», souligne-t-il.

Effet de la loi 101?

Micheline Labelle, professeure associée à l'UQAM, voit dans ce résultat l'un des effets des tensions linguistiques qui existent depuis plusieurs décennies au Québec. «La loi 101 a longtemps été vue - et l'est encore - comme discriminatoire par les anglophones parce qu'elle impose des limites», dit cette spécialiste en immigration, diversité et citoyenneté. Richard Bourhis constate que les problèmes de discrimination sont moins élevés au Québec, mais que «notre bibitte, c'est la question linguistique».

Les immigrants récents davantage victimes 

Les immigrants récents disent avoir subi plus de discrimination que ceux arrivés depuis plus longtemps, révèle également cette étude. Micheline Labelle y voit un résultat de la situation économique plus difficile. «On est dans une période où le contexte économique est beaucoup plus difficile que c'était dans les années 60 et 70. À l'époque, le taux de chômage des immigrants était inférieur à la population née au Québec», dit-elle.

Femmes aussi

Les résultats de cette étude démontrent également que les femmes se sentent davantage victimes de discrimination. Près de une Québécoise sur dix (9%) dit avoir subi de la discrimination en raison de son sexe. Ce résultat est nettement plus élevé que pour les hommes - à peine 2% d'entre eux rapportent le même phénomène. Les résultats pour le Québec restent moins élevés que dans le reste du Canada, où 18% des femmes et 6% pour des hommes disent avoir été victimes de discrimination en raison de leur sexe.

Méthodologie

Les résultats de cette analyse de l'Institut de la statistique du Québec se basent sur les données de l'Enquête sociale générale, menée en 2013 par Statistique Canada. Pas moins de 27 534 Canadiens, dont 5301 au Québec, ont été questionnés dans le cadre de cet exercice. Les répondants ont été invités à dire si, au cours des cinq dernières années, ils ont été traités défavorablement en raison de leur sexe, de leur appartenance ethnique, de leur race, de la couleur de leur peau, de leur apparence physique (poids, taille), de leur religion, de leur orientation sexuelle, de leur état physique ou mental, de leur âge ou de leur langue.