Changer d'identité en cachette de sa femme, ce n'est pas une bonne idée.

C'est l'un des constats qui se dégage d'une décision du Directeur de l'état civil du Québec rendue le 12 novembre.

Mohamed Benjalloun* est né au Maroc. Marié et père d'un enfant, il s'installe au Québec avec sa famille en mai 2001, peut-on lire.

Dès son arrivée au pays, il entreprend des études en génie. Il obtient sa maîtrise, puis un doctorat de l'Université du Québec à Chicoutimi.

Malgré tous ces diplômes, ses recherches d'emploi sont ardues.

Pressentant que son nom fait obstacle à son embauche, des amis proches lui suggèrent de présenter une demande de changement de nom au Directeur de l'état civil.

L'idée ne tombe pas dans l'oreille d'un sourd. M. Benjalloun, «sans dire mot à son épouse, fait une demande de changement de nom», peut-on lire.

C'est ainsi que le 9 octobre 2014, Mohamed Benjalloun n'est plus. Mohamed Benjalloun devient Martin Savard.

La vie n'est cependant pas plus facile dans la peau de Martin Savard, loin de là. Martin Savard n'obtient pas davantage de travail et ses démarches sont d'ailleurs compliquées par le fait que tous ses diplômes ont été délivrés à Mohamed Benjalloun.

Dans sa nouvelle demande présentée au directeur de l'État civil - pour revenir à son nom initial, cette fois -, M. Savard explique qu'il n'avait pas mesuré tous les préjudices que sa décision lui vaudrait.

Déboires matrimoniaux et au Maroc

À l'audience, M. Benjalloun relatera ses déboires des derniers mois. Il a eu des problèmes matrimoniaux, sa famille est en désaccord avec son choix, il a perdu son droit de vote au Maroc, de même que son passeport marocain. En plus, dans son pays natal, «il est victime de moqueries et de discrimination».

«Non seulement son nouveau nom "québécois" n'est pas reconnu par les autorités marocaines, mais au surplus, il l'empêchera à l'avenir de se porter candidat à des concours ou des examens d'embauche organisés par le gouvernement du Maroc», peut-on encore lire dans la décision.

À peine quatre mois après être devenu Martin Savard, l'homme veut donc redevenir Mohamed Benjalloun.

Retour à la case départ

Dans un premier temps, le Directeur de l'état civil le lui refusera, M. Benjalloun ne lui étant pas revenu avec certaines preuves documentaires de préjudices qui lui avaient été demandées.

Finalement, M. Benjalloun a plaidé que le personnel de l'ambassade lui avait assuré qu'on enverrait lesdites preuves au Directeur de l'état civil, ce qui n'a pas été fait.

«Il n'y a pas lieu de tenir rigueur à M. Benjalloun d'avoir outrepassé de sept jours le délai», conclut le Directeur de l'état civil, qui a autorisé M. Benjalloun... à redevenir lui-même.

* Nom fictif