Médicaments non conformes mis quand même sur le marché. Matières premières mal entreposées et mal identifiées. Installations mal protégées contre les insectes et les rongeurs. Dans un geste sans précédent, Santé Canada a dévoilé hier les résumés de milliers de rapports d'inspection effectués depuis 2012 dans les usines et laboratoires de médicaments destinés aux Canadiens. Les problèmes découverts sont jugés «inquiétants» par un sénateur canadien. Points saillants.

Des problèmes «très sérieux»

Personnel mal formé, contrôle de la qualité déficient, problèmes «répétés» d'insalubrité: la liste des lacunes répertoriées par Santé Canada dans les usines, laboratoires et aires de distribution de médicaments destinés aux Canadiens est longue. Précisons que la très grande majorité des inspections (98%) ont conduit à un verdict de conformité. Mais Kelvin Ogilvie, un sénateur canadien et scientifique de carrière qui a dirigé un comité au Sénat sur la sécurité et l'efficacité des médicaments, se montre néanmoins inquiet.

«Mon analyse est préliminaire parce que les données viennent d'être publiées, mais le nombre d'entreprises fautives et la quantité de problèmes identifiés me semblent élevés. C'est préoccupant pour la santé des Canadiens», a dit M. Ogilvie à La Presse.

«On parle de problèmes très, très sérieux, ajoute M. Ogilvie. Dans l'industrie pharmaceutique, d'ailleurs, tout problème est sérieux.»

Des essais cliniques problématiques

En plus de la fabrication et de la distribution de médicaments, Santé Canada s'est intéressé à la façon dont les futurs médicaments sont testés sur les patients. Dans ce cas, le taux de non-conformité atteint 16%. Au Québec, par exemple, le chien de garde fédéral s'est penché sur 38 études cliniques depuis 2012, dont 5 ont été jugées «non conformes». Des entreprises ont enrôlé des participants sans obtenir leur «consentement éclairé». D'autres ont mal entreposé les médicaments ou omis de consigner les incidents indésirables.

des multinationales 

Une analyse rapide montre que les problèmes de conformité semblent toucher autant les petits fabricants que les grands. Les cinq études cliniques problématiques identifiées au Québec, par exemple, étaient toutes sous la supervision de multinationales (Pfizer, Eli Lilly, Amgen et Celgene).

Parmi les fabricants et distributeurs de médicaments ou produits de santé, des géants comme L'Oréal, Unilever, Procter&Gamble et Sanofi Pasteur se retrouvent aussi parmi les fautifs.

«Nous reconnaissons les points identifiés par Santé Canada dans son rapport d'inspection, avons travaillé à comprendre les facteurs qui ont contribué à les créer et [...] croyons avoir corrigé les déficiences de façon appropriée», a fait savoir Eli Lilly Canada dans une déclaration écrite envoyée à La Presse.

Des sites étrangers inspectés

Parce que les médicaments consommés par les Canadiens ne sont pas tous fabriqués au pays, Santé Canada ne s'est pas limité à inspecter les sites canadiens. La majorité des inspections faites sur des sites de fabrication, emballage et distribution de médicaments ont d'ailleurs été faites à l'étranger (2899 inspections, contre 1571 au Canada). Notons que toutes proportions gardées, le taux de non-conformité s'avère plus bas sur les sites étrangers que sur les sites canadiens.

Un chien de garde rassurant

S'il s'inquiète des problèmes soulevés par Santé Canada, le sénateur Kelvin Ogilvie se dit «enchanté» de voir les résultats des rapports d'inspection dévoilés publiquement.

«Santé Canada me semble faire preuve de vigilance, dit-il. Et de ce que je constate des résumés que j'ai lus, il semble agir lorsqu'il détecte des problèmes. On voit des licences qui ont été suspendues, des appels à fermer des installations. Dans d'autres cas, on parle d'établir conjointement des plans pour remédier aux pratiques inadéquates. D'un premier coup d'oeil, il semble que Santé Canada agisse de façon responsable et prenne les moyens appropriés pour protéger les Canadiens.»

Santé Canada a précisé hier que la divulgation des rapports d'inspection s'écrit dans son engagement à rendre plus de données disponibles pour l'ensemble des Canadiens.