Roméo Phillion, qui a passé près de 32 ans en prison avant que sa condamnation pour meurtre ne soit annulée en 2009, est décédé lundi soir à l'hôpital des suites d'une longue maladie, a indiqué l'Association des victimes d'erreurs judiciaires. Il avait «autour de 80 ans».

M. Phillion avait été reconnu coupable en 1972 du meurtre non prémédité de Léopold Roy, un pompier d'Ottawa retrouvé mort poignardé. Le verdict de culpabilité était fondé en grande partie sur les aveux de l'accusé, mais M. Phillion s'était rétracté quelques heures après sa confession.

Condamné à la prison à vie, il a toujours refusé de demander sa libération conditionnelle, parce qu'il aurait dû, alors, admettre son crime.

C'est finalement l'Association des victimes d'erreurs judiciaires qui a demandé la réouverture de son dossier, à la fin des années 2000. Le gouvernement fédéral a finalement renvoyé l'affaire en Cour d'appel de l'Ontario qui, en 2009, a annulé le verdict de culpabilité et ordonné la tenue d'un nouveau procès.

La Cour d'appel révélait alors que la police avait à l'époque corroboré l'alibi qui prouvait que M. Phillion ne se trouvait pas du tout près du lieu du crime, mais que les enquêteurs n'en avaient pas informé la défense parce qu'ils avaient écarté subséquemment cet alibi.

Étant donné les longs délais, la Couronne a alors décidé de retirer l'accusation plutôt que d'ordonner la tenue d'un nouveau procès. Roméo Phillion devenait alors le Canadien détenu le plus longtemps - près de 32 ans - avant que l'accusation d'abord portée contre lui ne soit retirée.

Il a ensuite intenté une poursuite de 14 millions, alléguant que les procureurs de la Couronne et deux policiers d'Ottawa avaient fait preuve de négligence et commis des fautes professionnelles. Le tribunal de première instance a refusé d'entendre sa poursuite, estimant qu'il s'agissait d'un abus de procédures, puisque la police et la Couronne n'avaient rien à se reprocher, selon la Cour d'appel, et que trop de temps s'était écoulé pour revenir sur ses allégations.

La Cour d'appel a ensuite donné le feu vert à la poursuite civile, mais l'affaire s'est transportée en Cour suprême, qui a refusé en février dernier d'entendre l'appel. M. Phillion n'aura finalement pas vécu assez longtemps pour connaître l'issue de cette poursuite.

Malgré sa maladie, avec «humour et combativité», il a «fait ce qu'il a pu» pour aider d'autres victimes d'erreurs judiciaires et pour sensibiliser la population au caractère tragique de ces bavures judiciaires, a indiqué l'Association des victimes d'erreurs judiciaires, mardi, dans un communiqué.

M. Phillion participait à des activités de l'association en fauteuil motorisé, traînant avec lui sa bonbonne d'oxygène, souligne-t-on.