La réserve autochtone isolée de Shoal Lake nº 40, qui fait l'objet d'un avis d'ébullition de l'eau depuis près de 20 ans, a décidé d'aller cogner à la porte des Nations unies.

Shoal Lake nº 40, qui est située à la frontière entre le Manitoba et l'Ontario, a été coupée du monde il y a un siècle lorsqu'un canal artificiel a été créé pour construire un système d'aqueduc pour alimenter Winnipeg en eau potable. Le village est alors devenu une île et, ironiquement, fait l'objet d'un avis d'ébullition de l'eau depuis 17 ans.

Une délégation de cette réserve se rendra à Genève en février pour présenter son cas à un comité onusien des droits économiques, sociaux et culturels.

La Première Nation fait aussi partie d'une enquête internationale de l'organisme Human Rights Watch. Ses conclusions seront présentées devant le même comité qui révise la performance du Canada en matière de droits humains.

Le chef de la petite communauté, Erwin Redsky, a affirmé que sa délégation mettrait l'accent sur les «violations des droits humains» dont ses habitants sont victimes «quotidiennement».

Il exposera notamment le manque d'eau potable, de liberté de déplacement et de soins de santé et d'éducation adéquats.

«Nous allons dire au monde ce qui se passe ici au Canada, spécifiquement à Shoal Lake nº 40, ce qui se passe depuis maintenant 100 ans», a-t-il déclaré.

Aucune route ne relie le village à la province, sauf en hiver, lorsque l'eau gèle. Des résidants risquent chaque année leur vie en traversant le canal gelé. Certains meurent. Plus tôt cette année, les habitants ont été encore plus isolés lorsque leur traversier, déclaré non conforme aux exigences par le gouvernement fédéral, a été hors service durant quelques mois. Il a été réparé, mais aura besoin de plus d'attention.

Pour aller à l'école secondaire, les jeunes doivent déménager. Les aînés ou les malades n'ont pas accès à des soins médicaux suffisants puisque la majorité des professionnels de la santé ne veulent pas risquer leur vie en se rendant sur la réserve, détaille le chef Redsky.

Beaucoup de résidants quittent régulièrement la communauté, simplement pour aller prendre une douche dans les centres communautaires de Kenora, en Ontario.

«Le Canada est l'un des pays les plus riches du monde. Ça ne devrait pas arriver», a-t-il fait valoir.

Depuis quatre ans, les habitants de Shoal Lake nº 40 font pression auprès des gouvernements pour avoir une route, qu'ils surnomment Freedom Road. La Ville de Winnipeg et le gouvernement fédéral ont investi un million de dollars chacun pour une étude de faisabilité, qui sera complétée en janvier. La construction de la route est estimée à 30 millions de dollars. Les coûts seraient partagés entre les trois paliers de gouvernements.

Winnipeg et le gouvernement provincial ont promis de payer leur part, mais seul le gouvernement néo-démocrate de la province s'est engagé à attribuer l'argent dans son prochain budget. Ottawa attend les résultats de l'étude de faisabilité.

Le Nouveau Parti démocrate fédéral et le Parti libéral ont promis de financer la construction de la route s'ils sont élus le 19 octobre prochain.

M. Redsky espère que les Nations unies pourront augmenter la pression sur le Canada et Winnipeg pour améliorer le sort de sa communauté. Une fois la route construite, le chef tentera d'obtenir une usine de traitement des eaux usées et d'autres formes de développement économique.