Vendredi, la Terre a cessé de tourner pour Claude Dupuis. Il était au travail quand il a reçu un appel de la police. Au bout du fil, des mots irréels ont résonné. Son fils venait de mourir dans un accident tragique survenu sur l'autoroute 10, à la hauteur de Granby. Il apprendrait plus tard que sa bru et ses deux seuls petits-enfants avaient aussi péri.

«Je suis tellement bouleversé...», a-t-il commencé, avant d'être emporté par les sanglots. Quatre jours après les événements, le père endeuillé avait toujours bien peu de mots pour décrire sa souffrance.

M. Dupuis a vécu une dernière année d'enfer, alors qu'il a perdu son père, sa soeur, sa mère et son beau-père. Et à cette triste liste s'ajoutent maintenant son fils, sa bru, sa petite-fille et son petit-fils.

«Ça fait beaucoup... J'ai enterré assez de personnes, a-t-il laissé tomber, la voix brisée par l'émotion. Là, j'espère que le petit Jésus va nous laisser tranquilles, ma femme, ma fille et moi...»

Circonstances inexpliquées



Vincent Dupuis, 30 ans, Ariane Elie-Desjardins, 37 ans, et leurs enfants Béatrice, 3 ans, et Romain, 1 an, se rendaient à Sherbrooke vendredi soir pour un souper chez un ami de longue date. Pour une raison encore inconnue, leur voiture a foncé dans un camion-citerne qui s'est enflammé.

L'accident mortel s'est produit à la hauteur du kilomètre 73 de l'autoroute 10, entre les sorties Granby-Cowansville et Granby-Bromont, à 1 km d'un important chantier de construction. Des collisions impliquant trois voitures et un camion-citerne destiné au transport d'essence se sont succédé.

«L'enquête du coroner est toujours en cours. Par contre, concernant les allégations de rage au volant qui ont été véhiculées par certains médias, de notre côté, on n'établit pas de lien direct entre les deux événements. Mais ce sera au coroner de le confirmer», a déclaré Aurélie Guindon, porte-parole régionale de la Sûreté du Québec.

«Là, j'ai trop de peine pour penser à [la cause], laisse entendre M. Dupuis. Mais mon ti-loup était dans la voie de droite... alors il y a quelque chose de pas normal. [...] Quand on demande des détails de l'enquête, ils nous parlent en paraboles... Je ne suis pas né de la dernière pluie. Je me dis bien qu'ils savent des choses et qu'ils ne peuvent pas tout dire.»

Une famille exemplaire



Vincent Dupuis et Ariane Elie-Desjardins semblaient filer le parfait bonheur. Ensemble depuis une dizaine d'années, le couple «avait une super belle vie», selon un ami qui a voulu lui rendre hommage en conservant l'anonymat.

«Vincent était un gars vraiment sympathique et facile d'approche, raconte cet ami. Il était assez rationnel, ne partait jamais sur une dérape. Il était très posé et toujours accueillant.» Et Ariane? «Elle était une perle, une mère dévouée qui adorait ses enfants. Elle avait une vie parfaite avec ses deux petits.»

Au bout de son rêve



Vincent se passionnait pour l'art dramatique et la littérature. Adolescent, il a fait partie de la troupe de théâtre de l'école secondaire Jean-Baptiste-Meilleur, à Repentigny.

«Tout jeune, il savait où il s'en allait, raconte son père avec fierté. Dans une boîte, quand il était petit gars, il avait écrit: «Un jour, je serai recteur d'université.» Il m'a toujours dit qu'il passerait sa vie sur un campus.»

C'est ce qu'il a fait. Il a fait sa maîtrise au département de langue et littérature françaises de l'Université McGill et son mémoire portait sur le théâtre d'Alexandre Hardy.

Il a voulu transmettre sa passion en enseignant la littérature française au collège Jean-de-Brébeuf et au collège Gérald-Godin de Montréal.

Il a poursuivi ses études au postdoctorat jusqu'en France, d'où il revenait d'un périple de plusieurs mois avec sa petite famille.

« Ils étaient revenus le 17 juillet. Le 19, c'était la fête à Romain. Il a eu 1 an. Vincent est resté deux semaines, avec nous, et là... cette tragédie... », raconte son père, avant d'être submergé par l'émotion.

Une femme discrète



Selon sa page Facebook, Ariane était originaire de Montréal et aurait fait ses études au collège F.A.C.E., une école d'art. Elle travaillait chez Visa Desjardins depuis quelques années.

«C'était une personne discrète, à sa place. C'était la femme idéale pour mon garçon», témoigne son beau-père.