Plus du quart des poutres principales situées au centre du pont Champlain affichent des cotes de comportement allant de «médiocre» à «déficient», selon le plus récent rapport d'inspection générale rendu public jeudi par la société fédérale Les Ponts Jacques Cartier et Champlain incorporée (PJCCI).

Selon ce rapport, 14 des 50 grandes poutres de béton situées sous le pont, au centre de la structure, présentent des signes de dégradation semblables à ceux qui rongent depuis des décennies les 100 poutres de rive, sur les côtés du pont Champlain.

Des 14 poutres centrales endommagées, huit ont obtenu la pire cote possible (la cote 1), qui signale «un comportement déficient ou critique» et qui commande des travaux de réparation ou de renforcement d'ici deux ans.

L'inspection réalisée à l'automne 2014 par une équipe d'ingénieurs des firmes CIMA+ et Dessau a permis de relever à l'intérieur de chacune de ces poutres la présence de câbles d'acier corrodés, voire rompus, «pouvant affecter la capacité à supporter les charges de façon très importante».

Les dommages les plus souvent décrits font état de délaminage de béton «avec armatures visibles corrodées» et de fissures dans le béton s'étendant le long des câbles de précontrainte en acier, qui maintiennent l'intégrité de ces poutres.

Selon PJCCI, la dégradation des poutres centrales a été causée au fil du temps par les infiltrations d'eau provenant du tablier du pont, qui n'a été étanchéifié que récemment, et qui fuyait de partout, notamment, à grande eau, par les joints de dilatation.

Même s'il détaille sur des centaines de pages la longue liste des bris, des déficiences, des fissures et des signes de corrosion qui affligent cette structure, le rapport d'inspection de 2014 ne révèle rien de vraiment nouveau et aide à comprendre pourquoi il faudra encore y injecter des centaines de millions de dollars pour le maintenir en service en attendant son remplacement, à la fin de 2018.

Poutres de rive

Pas moins de 73 des 100 poutres de rive situées sur les côtés du pont Champlain sont dans un état allant de «médiocre» à «déficient»; 64 ont obtenu la pire cote de comportement (la cote 1), lors de l'inspection générale de 2014. Paradoxalement, ce n'est pas si inquiétant que cela, car on sait depuis de nombreuses années que ces poutres se dégradent à un rythme accéléré. Elles sont le point faible du pont Champlain et font l'objet d'une surveillance continue. 

À la fin de 2015, souligne la directrice des communications de PJCCI, Julie Paquet, 36 de ces poutres seront soutenues par des treillis métalliques qui supporteront alors toutes les charges à leur place. 

Chacune de ces immenses poutres de béton est renforcée à l'aide de 24 câbles de précontrainte en acier. Le maintien d'au moins 16 de ces câbles est nécessaire pour assurer l'intégrité et la sécurité de la poutre. 

Le rapport signale que dans de nombreux cas, au moins 10 à 12 câbles d'acier sont touchés par la corrosion, «pouvant affecter la capacité à supporter les charges de façon très importante». Selon PJCCI, les déficiences les plus sérieuses signalées par ce rapport ont été rapportées à la société dès décembre 2014, dans un rapport préliminaire, et ont déjà été prises en charge.

La dalle

La dalle de béton du pont Champlain n'est pas en très bon état. Lors de l'inspection de 2014, les dommages relevés ont mené à l'attribution d'une cote 1, la pire, à 28 des 50 travées du pont. Les bris et déficiences les plus souvent cités se traduisent par un «délaminage et [un] éclatement de béton avec armatures, gaines et fils de précontrainte corrodés et visibles», des fissures et même des «câbles perdus dans un intervalle de 6 mètres». Dans certains cas, le rapport souligne que ces défauts sont de nature «à affecter la capacité de la dalle de façon très importante».

Joints de dilatation

Le rapport d'inspection de 2014 souligne près d'une trentaine de bris importants des joints de dilatation du pont, à l'extrémité des dalles, montrant des armatures visibles et corrodées sur jusqu'à 60 % de leur surface. Dans un cas, la garniture du joint a été déchirée sur 70 % de sa longueur. 

Cette partie du rapport est toutefois en partie obsolète, puisque la société PJCCI a procédé au remplacement de certains de ces joints lors de son blitz de travaux, en mai dernier.

Fibre de carbone

Les réparations, ça ne tient pas toujours. Le rapport d'inspection signale une dizaine de cas où des panneaux de fibres de carbone installés sur l'âme des poutres pour en améliorer la résistance en cisaillement devront être recollés.