Malgré les trois plaintes portées devant la Fédération de nage synchronisée contre l'entraîneure-chef du club Montréal Synchro, Karine Doré reste en poste.

«Mme Doré demeure à notre emploi à la condition qu'elle s'engage à collaborer activement à la mise en oeuvre du plan d'action que nous avons établi; ce dont elle nous a assuré sans réserve», nous a indiqué Brigitte Roy, présidente du conseil d'administration du club, par voie de courriel.

Ce plan d'action prévoit «des ressources pour appuyer les athlètes et entraîneuses dans la résolution de situation conflictuelle, des mécanismes visant à mieux encadrer et évaluer le personnel d'entraînement ainsi que des dispositions pour corriger et améliorer la gestion de notre organisation».

À la suite de notre article paru samedi dernier, qui détaillait les trois plaintes, plusieurs personnes se sont portées à la défense de Mme Doré. Une page Facebook a d'ailleurs été créée samedi dernier en soutien à Mme Doré, que 114 personnes avaient aimée au moment d'écrire ces lignes. Six personnes y ont rédigé des messages d'appui.

Deux ex-nageuses du club ont tenu à nous rencontrer. Geneviève Peel et Sarah Brunin-Brouillette, qui ont toutes deux nagé plusieurs années à Montréal Synchro, disent avoir vécu des expériences extrêmement positives avec Mme Doré.

«Karine a été à mes côtés du début à la fin de mon parcours, et elle m'a aidée à passer à travers tous les obstacles - et il y en a eu beaucoup dans mon cas», dit Mme Peel. Karine Doré a parfois été sa confidente dans les moments sombres et elle lui a offert un appui constant, dit-elle.

«Il y a une ligne entre les entraîneurs intenses et passionnés et du harcèlement psychologique. Oui, je l'ai entendue crier après des athlètes qui mangeaient des chips tous les jours, qui dormaient mal et arrivaient en retard. Mais si j'avais été témoin de harcèlement psychologique, jamais je ne serais restée là.»

Oui, Karine Doré est «intense», dit Sarah Brunin-Brouillette. «Elle se laisse emporter, mais ça dure un instant, elle revient tout de suite avec du rationnel», explique-t-elle. En quatre ans au club, jamais elle n'a vu l'entraîneure s'en prendre de façon déplacée à une nageuse.

Mais pratiquer un sport d'élite est dur, dit-elle. «La vie commence à la fin de notre zone de confort. Si on est toujours enveloppé, on ne progresse pas, dit-elle. Quand on n'aime pas nager, il faut avoir l'humilité de dire: ce n'est pas pour moi. Même quand on a un talent exceptionnel.»

Monique Lupien, qui a cofondé le club Montréal Synchro et a oeuvré dans le monde de la nage synchronisée pendant 25 ans, nous a également contactés. Elle s'est dite «bouleversée» par l'article. «Karine Doré fait partie des 20 meilleurs coachs au monde», dit-elle.

«Nonobstant son méchant caractère, elle mérite d'être là et la synchro mérite de l'avoir. Les entraîneures qui sont trop fines ne placeront jamais leurs nageuses sur le podium. Mais oui, les filles vont être heureuses! dit Mme Lupien. Pensez-vous que Sylvie Fréchette s'est rendue là où elle s'est rendue sans se faire crier après et sans se faire dire qu'elle était grosse?»

Les plaignantes appuyées

De son côté, la famille de Rafaëlle Valiquette, la nageuse qui a porté plainte contre Mme Doré aux côtés de deux autres athlètes, a reçu des dizaines de courriels d'appui, d'ex-nageuses de Montréal Synchro, de parents de nageuses et même d'une juge de niveau national. La Presse a aussi pu recueillir les témoignages de trois autres personnes qui ont toutes spontanément communiqué avec nous après la parution de l'article.

Camille Thuot, maintenant âgée de 22 ans, a nagé pour le club pendant cinq ans, de 2004 à 2007, puis en 2009 et 2010. Elle avait 12 ans à son arrivée.

Les méthodes de Mme Doré l'ont menée à souffrir de crises de panique, témoigne-t-elle. «Rafaëlle a vécu ça avec l'anorexie. Moi, c'étaient des crises de panique. Je me réveillais en panique la nuit, j'avais des palpitations. Juste à y penser, j'étais en état de panique totale.»

Camille Thuot a été membre de l'équipe nationale de nage synchronisée. Elle a été championne canadienne au cours de sa carrière. «Oui, Karine fait de super belles routines, mais au niveau de son comportement... c'est extrême, dit la jeune femme. Un jour, j'ai failli recevoir une chaise dans la figure. Quand je suis sortie de l'eau, elle avait une chaise dans les mains, au-dessus de sa tête. Puis, elle s'est mise à rire.»

Gabrielle Ménard faisait partie du club à peu près à la même époque. Elle avait 8 ans à son arrivée. «Plusieurs filles ne voulaient pas passer élite parce qu'elles ne voulaient pas être coachées par Karine. Elles avaient peur.» Gabrielle Ménard a été entraînée pendant quatre mois par Mme Doré. L'expérience s'est très bien déroulée dans son cas. «Avec moi, elle était très patiente, très gentille.»

Cependant, elle dit avoir été témoin à de nombreuses reprises de comportements déplacés de l'entraîneure. «Je trouve ça dommage pour elle, mais elle a un problème. Elle a de la difficulté à se contrôler, raconte-t-elle. Quand elle se fâchait, elle était vraiment épeurante. Les veines gonflées dans le cou. Elle montait sur un banc. Et elle visait souvent une fille en particulier.»

La jeune femme dit avoir vu l'entraîneure lancer dans l'eau un bâton de décompte - qui permet aux nageuses de garder le rythme de la musique - lors d'une crise de colère.

La fille de Carole Foucault a également nagé pour le club en 2012, à l'âge de 14 ans. Elle a quitté son Outaouais natal et s'est installée à Montréal. Karine Doré était son entraîneure pour les solos. Après quelques mois, elle a appelé sa mère en larmes.

«J'ai dit à Mme Doré: ça n'est pas vrai, tu ne crieras pas après ma fille, tu ne l'humilieras pas. C'est bien beau, les Olympiques, mais je ne laisserai pas ma fille dans ce milieu-là!»

Sur le formulaire qu'elle a rempli en partant, à l'endroit où on lui demandait la raison du départ, elle «[a] dit la vérité», dit-elle. «J'ai écrit: harcèlement de la coach

PRÉCISION

Dans l'article paru samedi dernier, nous avions attribué à Karine Doré la citation suivante alors qu'elle s'adressait à une nageuse de l'équipe lors des championnats canadiens espoir en 2014: «Hé, tu manges donc bien! Tu vas devenir grosse et tu vas être obligée d'arrêter la synchro.» Or, selon Danielle Valiquette, qui nous a rapporté ces propos, la citation se lirait plutôt ainsi: «Hé, tu manges donc bien! Tu vas devenir grosse quand tu vas arrêter la synchro.» Nos excuses pour cette imprécision.