Foncer avec une voiture de patrouille sur un homme qui souffre de maladie mentale ne devrait pas être autorisé et cette façon de faire, dans les instants qui ont précédé la mort d'Alain Magloire sous les tirs policiers, illustre à quel point les agents sont mal outillés pour faire face à ce genre de situation, a témoigné hier son frère, Pierre Magloire.

Au dernier jour des audiences publiques sur ce drame, survenu le 3 février 2014, Pierre Magloire a signalé vendredi que cette manoeuvre «sournoise», sans préavis, aurait pu causer plus de victimes. «Si un policier s'était approché de mon frère au même moment, peut-être aurait-il fallu aussi déplorer aujourd'hui la mort d'un agent.»

La patrouille au centre-ville, auprès de sans-abri et de personnes souffrant de maladies mentales nécessite une formation particulière, a plaidé M. Magloire. Dans l'état actuel des choses, «on scrappe trop de vies».

Des policiers bouleversés

La vie de son frère a été perdue, mais la vie de plusieurs membres de sa famille et de policiers a aussi été bouleversée par cette intervention qui a si mal tourné. Les policiers ne sortent pas indemnes de tels drames, a rappelé M. Magloire, évoquant les arrêts de travail qui s'en suivent souvent et les coûts sociaux que cela suppose.

Dans le cas de son frère Alain, Pierre Magloire croit que des policiers formés en santé mentale - et disposant d'armes intermédiaires - auraient su qu'il suffit parfois de prendre quelques minutes de plus pour permettre à un homme en crise de reprendre ses esprits.

Pierre Magloire en avait aussi long à dire sur la désorganisation du système de santé qui a tôt fait de perdre la trace de gens comme son frère qui, d'emblée, ne consentent pas à être soignés, mais qui peuvent être convaincus de le faire si un suivi adéquat est fait.

Père de deux fillettes, Alain Magloire a été chercheur en biochimie et intervenant auprès d'enfants handicapés pendant une décennie. Puis, graduellement, son état s'est mis à dégénérer de façon très évidente.

«Ce n'est pas arrivé du jour au lendemain. Il y a eu quantité de signes, de drapeaux rouges. Alain aurait pu être protégé.»

M. Magloire déplore entre autres le fait qu'en matière de santé mentale, la famille est trop souvent écartée par les autorités médicales, alors qu'elle pourrait pourtant apporter des informations importantes.

Commentaires du coroner

Le coroner Luc Malouin, chargé de l'enquête, n'a pas manqué de souligner que la difficulté vient ici de ce qu'il faut certes protéger la personne, mais que la chose est compliquée par le fait qu'on peut difficilement agir contre son gré: une personne qui souffre d'une maladie mentale a aussi droit à la liberté.

Pierre Poupart, l'avocat qui représente la famille, a en tout cas conclu qu'il fallait changer les façons de faire parce que sinon, «il y aura d'autres Magloire et d'autres Hamel» [Mario Hamel, ce sans-abri tué en 2011 par les balles de policiers qui ont aussi atteint un innocent, Patrick Limoges].

À l'heure actuelle, a insisté Me Poupart, il est regrettable de constater les échecs de notre société en matière de transition. Les sorties de prison, les sorties de familles d'accueil ou de familles dysfonctionnelles se font souvent n'importe comment, «dans l'éparpillement», laissant trop de gens fragiles seuls et démunis.