Dès le moment de la naissance d'un enfant, les couples québécois doivent avoir des obligations financières l'un envers l'autre, peu importe qu'ils soient mariés ou non.

C'est l'une des principales recommandations du rapport du comité consultatif sur le droit de la famille, dévoilé aujourd'hui à Montréal.

«Ce serait la naissance d'un enfant, et non plus le mariage, qui deviendrait le critère imposant des droits et obligations en matière familiale», a expliqué le professeur de droit Alain Roy, de l'Université de Montréal, président du comité.

Le comité propose un nouveau «droit compensatoire», qui prévoit, en cas de rupture, un montant pour compenser les pertes économiques subies par l'un des parents à la suite de la venue d'un enfant. 

«Nous croyons que l'enfant est une responsabilité commune des deux parents et que les désavantages économiques ne doivent pas être supportés par un seul parent, a souligné Me Roy. Ces changements ne créent pas d'obligation de partage du patrimoine familial, ni d'obligation de pension alimentaire.»

Le comité consultatif, mis sur pied dans la foulée de la décision de la Cour suprême dans la célèbre cause Lola contre Éric, a remis ses recommandations à la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, vendredi dernier.

Dans un rapport d'étape remis en octobre 2013, le comité plaidait en faveur d'une modernisation du Code de la famille, pour l'adapter aux nouvelles réalités des ménages. Il notait «un décalage significatif entre le modèle familial reconnu par le Code civil et les diverses configurations conjugales et familiales d'aujourd'hui».

Le droit québécois de la famille n'a pas été revu de manière approfondie depuis 1980. À cette époque, 8 % des couples vivaient en union libre, contre 37 % en 2011. Aujourd'hui, 63 % des enfants naissent de couples non mariés.

La deuxième phase des travaux du comité consultatif visait à faire des recommandations plus précises à Québec au sujet des réformes nécessaires.

Dans sa décision rendue en janvier 2013, dans la cause de Lola contre Éric, la Cour suprême avait jugé que le Code civil du Québec est discriminatoire envers les conjoints de fait, parce qu'il ne leur accorde pas les mêmes droits qu'aux couples mariés (pension alimentaire et partage du patrimoine familial en cas de rupture). La juge en chef avait invité Québec à modifier son code civil pour rétablir l'équité envers les conjoints en union libre. La création du comité consultatif, en avril 2013, faisait suite au jugement.

Lola est l'ex-conjointe d'un milliardaire québécois, qu'on ne peut identifier pour protéger l'anonymat des trois enfants du couple. À la suite de leur rupture, elle demandait une pension alimentaire pour elle-même, en plus de celle qui était versée pour leurs enfants.

Elle a d'abord été déboutée en cour supérieure, puis a obtenu une victoire partielle en appel, avec un jugement qui lui donnait droit à une pension alimentaire pour elle-même, mais pas accès au patrimoine familial considérable de son ex-conjoint. Le gouvernement du Québec a interjeté appel de la décision, portant la cause devant la Cour suprême du Canada.

Le Québec est la seule province au pays qui interdit aux conjoints de fait de recevoir une pension alimentaire pour eux-mêmes.

Plusieurs juristes opposés à la reconnaissance de plus de droits pour les conjoints de fait soutiennent que les couples en union libre ont choisi de ne pas se marier, en étant tout à fait conscients des conséquences financières de cette décision.

Mais sur le terrain, des planificateurs financiers, médiateurs familiaux et avocats en droit de la famille affirment que ce n'est pas toujours le cas.

Un sondage récent de la Chambre des notaires révélait que seulement 19 % des conjoints de fait ont signé un contrat de vie commune, que 62 % des répondants croient que, lors d'une rupture entre deux conjoints de fait, tous les biens acquis pendant leur vie commune sont séparés en parts égales, et que 58 % ignorent que le conjoint le plus pauvre n'a pas droit à une pension alimentaire dans le cas d'une rupture.