Après que la Cour suprême de l'Arabie saoudite a confirmé, dimanche, la condamnation du blogueur Raif Badawi, dont la famille est réfugiée à Sherbrooke, la ministre québécoise des Relations internationales, Christine St-Pierre, exhorte Ottawa de « changer de vitesse » dans le dossier.

« Mon rôle va être de mettre davantage de pression [sur le gouvernement fédéral]. Le gouvernement saoudien n'apprécie pas que la pression publique soit forte à ce point », a déclaré la ministre, en entrevue à La Presse.

Pour la famille de Raif Badawi, l'annonce de la Cour suprême saoudienne marque un nouveau revers. Le plus haut tribunal du pays du Moyen-Orient a confirmé la décision d'imposer au blogueur dix ans de prison, dix ans d'interdiction de sortie du royaume et 1000 coups de fouet. La décision comprend aussi une amende d'un million de riyals (un peu plus de 330 000 dollars canadiens).

« Il est urgent que M. Harper s'intéresse au dossier davantage », a lancé Mireille Elchacar, d'Amnistie internationale, faisant écho aux propos de la ministre St-Pierre.

En réponse, le ministère canadien des Affaires étrangères a rappelé les actions que le gouvernement fédéral a déjà menées dans le dossier. « Le Canada a présenté son point de vue à l'Ambassadeur d'Arabie Saoudite en poste à Ottawa. De plus, l'Ambassadeur du Canada à Riyad a rencontré le Commissaire aux Droits de l'homme d'Arabie Saoudite », a écrit un porte-parole dans un courriel.

« Dans la semaine du 16 février 2015, l'ambassadeur du Canada à Riyad a rencontré le ministère saoudien des Affaires étrangères (direction des droits de l'homme et des affaires des organisations non gouvernementales) et la société nationale des droits de l'homme afin de réitérer encore une fois nos préoccupations. »

Ensaf Haidar choquée

Interrogée au téléphone par La Presse canadienne, la femme de Raif Badawi, Ensaf Haidar, s'est dite «choquée» par la décision que la Cour suprême a rendue «trois mois après avoir été saisie de l'affaire».

Mme Haidar, qui a fait campagne en Europe pour défendre la cause de Raif Badawi, n'a pas caché sa déception après la décision, « finale et sans appel».

« J'espérais qu'à l'approche du ramadan [le mois de jeûne musulman, qui commence vers le 17 juin] et avec le nouveau roi en Arabie saoudite, les prisonniers d'opinion dans le royaume, dont Raif, soient graciés», a-t-elle ajouté.

Une image ternie

« C'est l'Arabie saoudite qui ternit son image là-dedans », a aussi souligné Christine St-Pierre. « C'est une peine que nous jugeons cruelle, inhumaine, et qui va à l'encontre des droits humains. On veut que l'Arabie saoudite le libère pour qu'il retrouve son épouse et ses enfants, qui ont besoin de leur père », a-t-elle ajouté, avant de rappeler que le crime  de Raif Badawi est d'avoir émis une opinion, et non pas d'avoir agi avec violence ou d'avoir commis un meurtre.

Raif Badawi a d'abord été accusé d'apostasie en 2012. Cette accusation, qui revient à reprocher à une personne d'avoir renoncé à sa religion, a ensuite été retirée, parce que non adéquate au cas de M. Badawi. La Cour criminelle a donc poursuivi le blogueur pour insulte à l'islam et atteinte à la réputation.

Le 22 mai, Raif Badawi a évité la flagellation pour la 19e semaine consécutive. Les autorités saoudiennes n'ont pas expliqué les raisons qui ont motivé ce nouveau report. Le blogueur a subi une première séance de 50 coups le 9 janvier, mais n'a pas été fouetté à nouveau depuis.

Sa femme, qui a trouvé refuge à Sherbrooke avec leurs trois enfants, a mené fin mai une tournée de sensibilisation de deux semaines en Europe qui comprenait plusieurs rencontres politiques, au Parlement européen notamment.