Alors que les procureurs égyptiens se préparent à présenter cette semaine leurs plaidoyers finaux au procès de Mohamed Fahmy, accusé notamment de terrorisme, le journaliste canadien dit avoir «payé pour les erreurs» commises par son ancien employeur, le réseau anglophone Al Jazeera.

M. Fahmy était chef de bureau pour le réseau de nouvelles au Caire lorsqu'il s'est fait arrêter en décembre 2013 avec deux de ses collègues. Le journaliste, qui avait été condamné à sept ans de prison, a finalement pu subir un deuxième procès et il avait été libéré sous caution en février après avoir croupi un an dans une prison égyptienne.

Or, l'homme de 41 ans tentera de convaincre le juge qu'Al Jazeera n'a pas assez protégé ses travailleurs en Égypte. À ce point-ci, dans son procès, il est important, selon lui, qu'il puisse distinguer ses actions de celles de son ancien employeur - qu'il poursuit d'ailleurs pour 100 millions $ en dommages et intérêts.

En entrevue avec La Presse Canadienne, M. Fahmy a martelé qu'il subissait les conséquences des erreurs du réseau, qui s'en sort indemne de toute cette histoire, selon lui. Il a souligné qu'il tenterait de différencier ses responsabilités de celles d'Al Jazeera pour convaincre le juge que les employés n'avaient pas à leur disposition toute l'information nécessaire.

Le propriétaire de la chaîne de télévision satellite Al Jazeera est le gouvernement du Qatar - un élément non négligeable dans le procès de M. Fahmy.

L'Égypte et le Qatar ont des relations tendues depuis 2013, lorsque les militaires avaient mené un coup d'État pour renverser le président islamiste Mohamed Morsi. Le Qatar appuyait fermement l'ancien président qui était le candidat des Frères musulmans - une organisation désormais interdite en Égypte.

M. Fahmy allègue que le réseau Al Jazeera utilisait son réseau arabe, qui était interdit en Égypte, pour faire de la propagande en faveur de la confrérie islamiste. De plus, selon lui, ses anciens patrons ne se seraient pas procuré les permis réglementaires en Égypte et ils auraient diffusé des reportages du réseau anglophone sur son réseau arabe - ce qui aurait alimenté les preuves contre lui.

«Je suis très inquiet du résultat (du procès). Malheureusement, j'ai évolué dans un cadre où l'on aidait les Frères musulmans, alors je dois m'inquiéter. Je ne dois pas baisser ma garde», a-t-il confié.

M. Fahmy dit s'être plaint à maintes reprises de la diffusion de ses reportages anglophones sur le réseau arabe, mais il aurait été ignoré par ses anciens employeurs. Il a ajouté que lui et ses collègues n'auraient jamais même pensé à demander à ses patrons s'ils disposaient de tous les permis de diffusion pour son réseau égyptien.

«Nous allons expliquer au juge que nous, les trois journalistes, n'avions aucune mauvaise intention envers l'Égypte ou aucun plan malveillant pour enfreindre les lois contrairement au réseau», a-t-il précisé.

«Le journalisme n'est pas censé être de l'activisme politique. Au final, il y a des lois en Égypte, ils ont ignoré ces lois, ils les ont enfreintes et ils ne nous ont pas donné le choix d'accepter ou non leur manière de faire», a-t-il déploré.

Al Jazeera a plaidé que M. Fahmy devrait critiquer ceux qui l'ont arrêté plutôt que ses anciens employeurs. Le réseau qatari a ajouté que tous les pays n'appréciaient pas le travail de certains médias, mais qu'ils ne jettent pas pour autant leurs journalistes en prison.

Alors que son procès suit son cours, le journaliste canadien espère toujours que le gouvernement Harper maintienne la pression sur l'Égypte pour qu'il soit libéré.

Mohamed Fahmy a déménagé au Canada avec sa famille en 1991. Il a vécu à Montréal et à Vancouver quelques années avant de s'établir à l'étranger pour collaborer avec certains médias, dont le New York Times et CNN.